Georges Joseph Christian Simenon est un écrivain belge de langue française. Il est né à Liège, officiellement, le 12 février 1903, — sa vie commence par un mystère, il serait né le vendredi 13 février, mais déclaré le 12 par superstition — et mort à Lausanne le 4 septembre 1989.

Simenon était un romancier d’une fécondité exceptionnelle : on lui doit 192 romans, 158 nouvelles, plusieurs œuvres autobiographiques et de nombreux articles et reportages publiés sous son nom et 176 romans, des dizaines de nouvelles, contes galants et articles parus sous 27 pseudonymes. Les tirages cumulés de ses livres atteignent 550 millions d’exemplaires. Georges Simenon est, selon l'Annuaire Statistique de l'UNESCO de 1989, le dix-huitième auteur toutes nationalités confondues, le quatrième auteur de langue française et l'auteur belge, le plus traduit dans le monde.

André Gide, André Thérive et Robert Brasillach furent les premiers à le reconnaître comme un grand écrivain.

Simenon est né au 2e étage du « 26 (aujourd'hui 24) rue Léopold » à Liège. Il est le premier fils de Désiré Simenon, comptable dans un bureau d’assurances, et d’Henriette, mère au foyer, treizième enfant issue d’une famille aisée, mariés le 22 avril 1902. Fin avril 1905, la famille déménage au « 3 rue Pasteur » (aujourd'hui 25 rue Georges Simenon) dans le quartier d’Outremeuse. On retrouve l’histoire de sa naissance au début de son roman Pedigree.

La famille Simenon est originaire du Limbourg belge, une région de basses terres proches de la Meuse, carrefour entre la Flandre, la Wallonie et les Pays-Bas (Voir aussi Euregio Meuse-Rhin). La famille de sa mère est aussi originaire du Limbourg mais du côté hollandais, plat pays de terres humides et de brumes, de canaux et de fermes. Du côté de sa mère, il descend de Gabriel Brühl, paysan et criminel de la bande des verts-boucs qui écuma le Limbourg à partir de 1726, rapinant fermes et églises, sous le régime autrichien, et qui finit pendu en septembre 1743 au gibet de Waubach. Cette ascendance explique peut-être l'intérêt particulier que porta le Commissaire Maigret aux gens simples devenus assassins.

En septembre 1906 naît son frère Christian qui sera l’enfant préféré de sa mère, ce qui marquera profondément Georges. Ce malaise se retrouvera dans des romans comme Pietr-le-Letton et Le Fond de la bouteille. Il apprend à lire et à écrire dès l’âge de trois ans à l’école Sainte-Julienne pour les petits. À partir de septembre 1908, il suit ses études primaires à l’Institut Saint-André où durant les six années qu’il y passera jusqu’en juillet 1914, il se classera toujours dans les trois premiers.

En février 1911, la famille s’installe dans une grande maison au « 53 rue de la Loi » où la mère va pouvoir y louer des chambres à des locataires, étudiants ou stagiaires, de toutes origines (russe, polonaise, israélite ou belge). Ce fut pour le jeune Georges une extraordinaire ouverture au monde que l’on retrouvera dans nombre de ses romans comme Pedigree, Le Locataire ou Crime impuni. À peu près à cette époque, il devient enfant de chœur, expérience que l’on retrouvera dans L’Affaire Saint-Fiacre et dans Le Témoignage de l’enfant de chœur.

En classe de sixième, en septembre 1914, il entre chez les Jésuites, au collège Saint-Louis. Lors de l’été 1915, à l’âge de douze ans, il connaît sa première expérience sexuelle avec une « grand fille » de quinze ans, ce qui sera pour lui une véritable révélation, complètement à l’encontre de l’endoctrinement de pudibonderie et de chasteté que lui ont asséné les pères jésuites. Il préfèrera d’ailleurs effectuer sa rentrée au collège Saint-Servais qui prépare aux sciences et aux lettres et où il passera trois années de sa scolarité. Cependant le futur écrivain est toujours mis un peu à l’écart par ses camarades plus fortunés, et si au collège des Jésuites il s’était éloigné de la religion, au collège Saint-Servais il trouve maintes raisons de haïr les riches qui lui font sentir son infériorité sociale.

En février 1917, la famille déménage pour s’installer dans un ancien bureau de poste désaffecté du quartier d’Amercœur. En juin 1918, prétextant les problèmes cardiaques de son père, il décide d’arrêter définitivement ses études, sans même participer aux examens de fin d'année ; s'ensuivent plusieurs petits boulots sans lendemain (apprenti-pâtissier, commis de librairie).

En janvier 1919, en conflit ouvert avec sa mère, il entre comme reporter à la rubrique « faits divers » du journal très conservateur La Gazette de Liège dirigée par Joseph Demarteau, troisième du nom. Cette période journalistique fut pour le jeune Simenon, juste âgé de seize ans, une extraordinaire expérience qui va lui permettre d’explorer les dessous de la vie d’une grande ville, les dessous de la politique mais aussi de la criminalité, de fréquenter et pénétrer la vie nocturne réelle, de connaître les dérives dans les bars et les maisons de passe, elle va lui permettre aussi d’apprendre à rédiger de façon efficace. Il écrira plus de 150 articles sous le pseudonyme « G. Sim ». Durant cette période il va particulièrement s’intéresser aux enquêtes policières et va assister aux conférences sur la police scientifique données par le criminaliste français, Edmond Locard.

En juin 1919, la famille déménage à nouveau pour revenir dans la quartier d’Outremeuse, dans la rue de l’Enseignement. Simenon va y rédiger son premier roman « Au pont des Arches », publié en 1921 sous son pseudonyme de journaliste. À partir de novembre 1919, il publie les premiers de ses 800 billets d’humeur, sous le nom de Monsieur Le Coq (jusqu’en décembre 1922). Durant cette période, il approfondit sa connaissance du milieu de la nuit, des prostituées, de l’ivresse d’alcool, des garçonnières en ville. Parmi ses fréquentations, il rencontre des anarchistes, des artistes bohèmes, et même deux futurs assassins, qu’on retrouvera dans son roman « Les Trois crimes de mes amis ». Il fréquenta aussi un groupe artistique, dénommé « La Caque » mais sans réellement s'investir ; cependant, c’est dans ce milieu qu’il rencontre une étudiante en Beaux-Arts, Régine Renchon, qu’il épousera en mars 1923.

Durant toute cette période, lors de laquelle il fréquenta des bohèmes et des marginaux, il commença à caresser l’idée d’une véritable rupture, qu’il concrétisa après la mort de son père, en 1922, en partant s’installer à Paris avec la blonde Régine Renchon. Il choisit la vie d'artiste, découvre cette grande capitale et apprend à l’aimer pour ses délires, ses désordres et ses délices. Il part à la découverte de ses bistrots, bougnats, meublés, hôtels minables, brasseries et petits restaurants, qui lui offrent le beaujolais, l’andouillette et les petits plats mitonnés. Il y rencontre aussi le petit peuple parisien d’artisans besogneux, de concierges acariâtres et de pauvres types à la double vie. Il commence à écrire sous divers pseudonymes et sa créativité lui assure un succès financier rapide.

En 1928, il entreprend un long voyage en péniche dont il tire des reportages. Il y découvre l’eau et la navigation, qui deviendra un fil rouge tout au long de son œuvre. Il décide en 1929 d’entreprendre un tour de France des canaux et fait construire un bateau, l'"Ostrogoth", sur lequel il vivra jusqu’en 1931. En 1930, dans une série de nouvelles pour Détective, écrites à la demande de Joseph Kessel, apparaît pour la première fois le personnage du commissaire Maigret.

En 1932, Simenon part pour une série de voyages et de reportages en Afrique, en Europe de l’Est, en URSS et en Turquie. Après une longue croisière en Méditerranée, il s’embarque pour un tour du monde en 1934 et 1935. Lors de ses escales il effectue des reportages, rencontre de nombreux personnages, et fait beaucoup de photos. Il en profite aussi pour découvrir le plaisir auprès des femmes sous toutes les latitudes.

Dans l'œuvre de Simenon, trente-quatre romans et nouvelles se situent ou évoquent la ville de La Rochelle. Parmi les romans, dans lesquelles apparaît cette ville et sa région, on peut citer : « Le Testament Donnadieu » (1936), « Le Voyageur de la Toussaint » (1941) et « Les Fantômes du Chapelier ».

La ville ce matin-là, ressemblait au La Rochelle de certaines gravures anciennes de Mme Brun. La marée était basse, le bassin presque vide de son eau. Les barques de pêche s’étaient peu à peu couchées dans la vase qu’on voyait, épaisse, sillonnée de minces ruisseaux… (…) Chaque jour, les lampes s'allumaient un peu plus tôt et la seconde vie de la ville commençait, celle des bonnes femmes de la campagne ou de La Rochelle, allant, silhouettes noires, se heurter comme des phalènes aux vitrines illuminées, celle des bureaux silencieux où, de la rue, on voyait des employés courbés sous des abat-jour verts, vie d’hiver plus animée dans les rues commerçantes, plus mystérieuse dans les ruelles où les becs de gaz servent de point de rendez-vous et où l’on s’étreint sous les porches. Dans le port, l’eau sentait plus fort, les bateaux se soulevaient davantage au rythme de la marée, les poulies grinçaient et tous les petits bistrots d’alentour étaient saturés de l’odeur du rhum chaud et de la laine mouillée. Extrait du Testament Donnadieu

Il découvre La Rochelle en 1927 alors qu’il passe ses vacances à l’île d'Aix, fuyant la dangereuse attraction de Joséphine Baker dont il était l’amant. Cette année là il découvre aussi une passion pour la navigation, et c’est lors d’une course en bateau qu’il débarque sur les quais de La Rochelle et va prendre un verre au « Café de la Paix » qui va devenir, plus tard, son quartier général et qui sera le lieu central de son roman « Le Testament Donadieu ». C'est dans ce café, en 1939, qu’il apprend en écoutant la TSF la déclaration de guerre ; il commanda alors une bouteille de champagne, et faisant face à l’incompréhension des présents, il dit : « Au moins, celle-là, on est sûr qu’elle ne sera pas bue par les Allemands ! ».

D'avril 1932 à 1936, il s’installe avec son épouse « Tigy » à La Richardière, une gentilhommière du XVIe siècle, sise à Marsilly, qu’il utilise comme décor du château des Donnadieu : « ce bâtiment de pierre grise avec sa tour coiffée d’ardoises, autour duquel une allée de marronniers, un petit parc, puis, serré, touffu, humide, coincé entre de vieux murs, un bois en miniature, deux hectares de chênes, domaine des araignées et des serpents ».

Début 1938, il loue la villa Agnès, à La Rochelle, avant d’acheter en août 1938 « une simple maison des champs » à Nieul-sur-Mer. Son premier fils « Marc Simenon » y naquit en 1939.

Pendant toute la guerre, entre 1940 et 1945, Simenon a continué à vivre en Vendée, mais cette période, assez mal connue, est sujette à de multiples soupçons. Selon certaines personnes, lors de cette période cruciale de sa vie et de son œuvre, l'écrivain aurait été un collaborateur — comme le dit ambiguement Pierre Assouline dans sa biographie consacrée à Simenon. Alors que Michel Carly dans "Simenon, les années secrètes" — d'après son enquête et les témoignages recueillis — affirme que Simenon n'a pas été un « collabo », mais que Simenon, comme beaucoup à cette époque, a été un peu lâche, un peu rusé, beaucoup opportuniste, sans aucun sens de l'histoire avec un grand «H». Il a commis d'« énormes imprudences » en écrivant dans des journaux contrôlés par les Allemands, mais Simenon ne dénonce pas, ne s'engage pas, pas de politique, seulement de la fiction. En 1944, une dépêche de l'AFP, retrouvée à Poitiers, mentionne sa dénonciation pour « Intelligence avec l'ennemi » par « certains villageois vendéens exaspérés par la conduite égoïste de cet écrivain affichant l'opulence de son train de vie, à l'époque des tickets d'alimentation ». D'autre part, la « Gestapo avait soupçonné Simenon d'être juif, tablant sur une confusion entre Simenon et Simon, patronyme d'origine israélite ».

Lors de cette période, Simenon, qui n'est plus libre de ses mouvements, écrit énormément, vingt romans dont seulement trois Maigret. Parmi eux de nombreux chefs-d'œuvre et paradoxalement, dans l'intrigue de ses romans, la grande présente c'est la Vendée, décrite comme « une région lumineuse, impressionniste, où la mer rejoint la terre. Un plat pays » comme une lointaine nostalgie de son Limbourg familial.

La vision ambiguë que Simenon avait de la région et de la bourgeoisie locale a quelquefois offusqué ses habitants. Finalement, agacés mais ravis, car en 1989, la ville lui a rendu hommage, de son vivant, en baptisant du nom de « Georges Simenon » le quai situé en face du bassin des Grands Yachts, cependant déjà très malade, il n’avait pu faire alors, le déplacement. En 2003, un autre hommage a eu lieu en présence de son fils « John Simenon ».

Simenon passe donc la Seconde Guerre mondiale en Vendée et entretient une correspondance avec André Gide. Son dernier roman écrit en Vendée "Le Cercle des Mahé" a pour thème la crise de la quarantaine. En 1945, au sortir de la guerre, il part s’installer aux États-Unis, dans le Connecticut, mais va parcourir pendant dix années cet immense continent, afin d’assouvir sa curiosité et son appétit de vivre. Durant ces années américaines, il visita intensément New York, la Floride, l’Arizona, la Californie et toute la côte Est, des milliers de miles, de motels, de routes et de paysages grandioses. Il va aussi découvrir une autre façon de travailler pour la Police et pour la Justice et va rencontrer aussi sa seconde épouse, la canadienne Denise Ouimet, plus jeune de 17 ans. Il va vivre avec elle une passion faite de sexe, de jalousie, de disputes et d’alcool.

En 1952, il est reçu à l’Académie Royale de Belgique en 1952, et revient définitivement en Europe en 1955. Après une période mouvementée sur la Côte d'Azur à côtoyer la jet-set, il finit par s’installer en Suisse à Epalinges au nord de Lausanne, où il se fait construire une gigantesque maison. En 1960, il préside le festival de Cannes ; cette année-là, la prestigieuse Palme d’or fut attribuée au film culte La Dolce vita de Federico Fellini.

En 1972, il renonce au roman, mais n’en a pas finit avec l’écriture et l’exploration des méandres de l’homme, à commencer par lui-même, dans une longue autobiographie de 21 volumes, dictant tout sur un petit magnétophone : « Des idées, je n’en ai jamais eu. Je me suis intéressé aux hommes, à l’homme de la rue surtout, j’ai essayé de le comprendre d’une façon fraternelle… Qu'ai-je construit ? Au fond, cela ne me regarde pas. »

Le suicide de sa fille Marie-Jo endeuilla ses dernières années.