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Antigone de Sophocle


On ne peut aborder l'étude d'Antigone de Sophocle sans évoquer le talent inouï du prince des dramaturges qu'est Sophocle. Car enfin quelle science du comportement humain, quelle virtuosité réthorique quelle sensibilité esthétique ! Il n'est pas un mot dans le bouche des héros de Sophocle qui ne nous touche.

Antigone plus encore que toutes autres pièces manifeste l'étendue de l'admirable art de Sophocle, pièce dont les résonances modernes nous sont encore perceptibles en ce début de troisième millénaire. Pour bien aborder l'étude de cette oeuvre, il est hautement préférable de bien connaître l'histoire des Labdacides.

Je pourrais évidemment conseiller de se reporter à un dictionnaire de mythologie, mais il m'apparaît éminemment plus profitable pour les élèves d'aller chercher aux sources elles-mêmes l'origine du mythe. C'est donc vers les auteurs tragiques grecs à commencer par Sophocle lui-même que je me suis tourné : Lectures préliminaires : Auteurs grecs : Oedipe-roi de Sophocle Oedipe à Colonne de Sophocle Les Sept contre Thèbes d'Eschyle Les Phéniciennes d'Euripide Je conseillerai aussi aux élèves de lire certaines des reprises modernes qui ont été faites de la légende des Labdacides.

Reprises par des auteurs modernes : La Thébaïde de Jean Racine Antigone d'Hölderlin Antigone d'Anouilh Je me suis appuyé sur plusieurs auteurs d'analyses pour concevoir cette ébauche de cours, aussi dois-je leur rendre justice en les citant et en recommandant la lecture de leurs ouvrages. Bibliographie : Esthétique III de Hegel Poétique d'Aristote Remarques sur Antigone de Hölderlin Sophocle de Jacques Lacarrière D'Antigone à Socrate d'André Bonnard. La naissance de la tragédie de Friedich Nietzsche.

Le crépuscule des idoles de Friedich Nietzsche Antigone de Sophocle (édition avec dossier) collection GF par Charles Guittard et Robert Pignarre Je dois aussi préciser que la conception du cours a fait l'objet de débat sur le forum fr.lettres.langues-anciennes.grec. Plan d'étude du cours : Lecture d'Oedipe-Roi et questionnaire (chaque question devra faire l'objet d'une réponse détaillée qui excédera 10 lignes ) :

1.Quel fléau touche Thèbes ? Pourquoi ?

2.Dressez le tableau de la famille d'Oedipe à travers la pièce en précisant la nature des liens.

3.Avec quel devin Oedipe rentre-t-il en conflit ? Que s'en ensuit-il ?

4.A la lecture de l'oeuvre, que pouvez-vous dire sur le thème de la vision ? Pourquoi ?

5.Qu'apprenez-vous d'Antigone dans l'oeuvre, que pouvez-vous dire de son attitude ? Que représente-t-elle pour Oedipe ?

Lecture d'Oedipe à Colone et questionnaire dans les mêmes conditions que précédemment :

1.Quelle fonction remplit Antigone auprès d'Oedipe dans le prologue ? Que pouvez-vous dire des sentiments qu'elle éprouve pour son père (appuyez-vous sur tout le texte de l'oeuvre) ?

2. Qu'Oedipe et Ismène nous apprennent-ils sur les fils d'Oedipe ? Comment ce dernier les juge-t-il ?

3.Quels sont les arguments de Créon pour convaincre Oedipe de revenir à Thèbes ? Dressez en une liste en les distinguant selon leur nature.

4.Qui est Thésée ? Comment accueille-t-il Oedipe ?

5. Quel est le but d'Antigone après la mort de son père ?

Lecture des Sept contre Thèbes d'Eschyle et questionnaire :

1.Qui est Cadmos ?

2.Résumez le discours Amphiaraos : en quoi vous semble-t-il différer des autres assaillants ? Que pense Etéocle de lui ?

 3. Quel vous semble être le héros principal de cette pièce et en quoi vous semble-t-il particulièrement héroïque ?

4.Comment le coryphée réagit à la perspective d'un conflit armé entre Etéocle et Polynice ?

5.Etudiez le personnage d'Antigone : en quoi vous semble-t-il annonciateur de l'Antigone de Sophocle ?

Plan d'étude de l'oeuvre :

Etude du prologue I] une scène d'exposition toute en contrastes - opposition de caractères (Ismène-Antigone) - opposition de statuts (isolement d'Antigone, puissance de Créon) II] La souillure au coeur de l'action dramatique - cadavre de Polynice pourrissant - rappel de la guerre civile Etude de l'Episode II I] Un agôn sans concession - étude de l'argumentation d'Antigone - étude de l'argumentation de Créon - la force de la transgression II] Deux folies intransigeantes - haine de Créon pour un cadavre - Antigone jusqu'à la mort pour un principe - commentaire du philosophe Hegel (droit de la cité et droit familial) III] L'instant tragique - Des héros seuls dans une cité désertée des dieux, analyse nietzschée nne, le surhomme.
- Deux ordres pour un seul droit (ordre civique, ordre familial) - Relecture hölderlinienne de la Poétique d'Aristote (état natif du héros/état culturel) la tragédie consiste en ce que la culture accomplit l'état naturel, natif du héros.
Etude de l'Episode III I] Discours de Créon - la voix de la rhétorique raisonnements inductif et déductif, dialectique ascendante et descendante.
II] Discours d'Hémon - la voix de la raison, la voix de la cité III] Au nom de l'amour.

Un scandale.
Etude de l'Episode V I] Puissances d'En-haut, puissances d'En-bas.
- rituels de divinations en Grèce antique (Analyse du premier discours de Tirésias) - le don de Tirésias II] Le sacrilège de Créon.
(analyse du second discours de Tirésias) - signes infernaux.
Etude des stasima I, III et V.
PROLOGUE Résumé : à l'orée de l'Aube, Antigone demande à Ismène de l'aider à ensevelir Polynice, en dépit de l'interdiction du roi Créon.
I]°Une scène d'exposition toute en contrastes - Opposition entre deux caractères féminins, Ismène et Antigone Le caractère intraitable d'Antigone se manifeste d'emblée :"laisse moi courir mon risque, moi et ma folie" dit Antigone à sa sœur Ismène dès les premières répliques.
"sache alors qu'en dépit de ta folie tu restes chère à ceux qui t'aiment" lui répond Ismène.
Antigone accomplit un acte inutile mais nécessaire : inutile parce qu'il ne peut plus empêcher la souillure de la cité, nécessaire parce qu'il peut de ce fait se situer sur le plan du principe et non de l'utilitarisme.
- Opposition entre les puissants et les humiliés : D'un côté Antigone, fille d'oedipe sur laquelle pèse la lourde hérédité des Labdacides, jeune fille, démunie et sans force - même sa sœur Ismène lui refuse son concours - de l'autre un roi puissant, nouveau seigneur d'une cité en armes, puisqu'elle ressort d'une guerre victorieuse, Créon qui use selon son bon vouloir des lois de la cité dont il est d'ailleursla manifestation politique.
II] La souillure au cœur de l'action dramatique Le spectateur apprend avant même le chœur l'origine de l'action dramatique : Un soldat mort dont le cadavre pourrit hors de Thèbes.
L'évocation de la pourriture est saisissante dans l'Episode I, telle que la rapporte le garde à Créon, puisque ce dernier en est incommodé.
L'action qu'il rapporte se situe nécessairement entre le prologue et le 1er épisode, peut-être même au même moment que le prologue.
Il s'y rattache donc à bien des égards et donne surtout de la force à la décision préalable d'Antigone, puisque la jeune fille, elle s'est approchée du cadavre qui incommodait les gardes.
EPISODE II Etude des a ? I] Un agôn sans concession.
Créon et Antigone argumentent sans consession et pied à pied : Argumentation d'Antigone : - liens du sang (Polynice est son frère ) - aguments religieux (devoirs qui doivent être rendus à un mort, Hadès ) - la morale ne s'applique qu'aux vivants.
- - l'amour est universel "je suis faite pour partager l'amour et non la haine".
Argumentation de Créon - aux liens du sang, Créon répond par les liens du sang : Etéocle dont le sang réclame vengeance est aussi le frère d'Antigone.
- Il n'est pas bon de se démarquer de l'attitude commune - Le justice doit être rendue : il ne convient pas, même dans la mort de mettre sur un même plan le criminel et le juste.
- - la vengeance doit se poursuivre jusque dans la mort.
Créon procède constamment par parallélismes et comparaisons.
Il ne suffit pas à Créon qu'Antigone reconnaisse son crime, il veut aussi qu'elle reconnaisse ses torts.
En définitive, c'est à Antigone elle-même qu'il s'en prend, quittant le champ de la responsabilité des deux frères.
De fait la stychomythie ne fait que préciser les positions respectives.
Antigone a fait son choix depuis longtemps : Celui de partager l'amour et non la haine, ainsi qu'elle le dit elle-même : sa vie est finie, puisqu'elle l'a consacrée aux morts, et ce n'est pas Créon qui la contredira puisque dans une impitoyable ellipse il déclare à propos du mariage d'Hémon et d'Antigone : "Hadès lui-même va prononcer la rupture" Antigone est emmenée d'où le stasimôn sur les malheurs des Labacides.
Le 2nd agôn qui suit est bien pâle (Créon contre Ismène) en regard du premier.
Pour mémoire, une stychomythie est un passage où les protagonistes se répondent vers à vers.
L'interdiction d'enterrer Polynice est réaffirmée une seconde fois=> contraste entre entre l'ordre et sa transgression.
La transgression est très forte et les puissances infernales ne peuvent se satisafaire de l'acte d'Antigone, simple jeune fille, fût-il fait deux fois.
Les conditions presque surnaturelles dans lesquels se déroule le rituel d'ensevelissement, au milieu d'une tempête inexplicable offre toutes les caractéristiques d'un prodige.
Créon devra lui-même accomplir le rituel pour calmer ces puissances.
II]La folie de l'oncle et de sa nièce.
Créon et Antigone essaient à toute force d'engager les dieux dans leur bras de fer.
Chacun donne à ses principes ( droit du ? qui exige d'accomplir le rituel funèbre afin de garantir la cohésion de la famille dans ses relations avec les dieux contre droit de la p ( qui exige que les décisions de l'autorité politique soit respectées afin de garantir la cohésion civique ) une valeur absolue bien au-delà de la destinée immédiate de Thèbes.
Créon :"malheureuse fille d'oedipe est-ce bien toi Antigone, est-ce toi qui t'es rebellée contre les ordres de Créon ? Est-ce vraiment toi qu'on a surprise en pleine crise de folie ? Et Antigone de répondre :"Subir la mort, pour moi n'a rien d'intolérable.
L'intolérable c'est de laisser pourrir sans tombeau le corps de mon propre frère, oui, c'est cela pour moi, l'intolérable.
Mais maintenant ma conscience est en paix.
Tu penses que je suis folle, mais le vrai fou, en vérité, c'est celui qui me traite de folle.
" L'acharnement avec lequel chacun agit, Antigone jusqu'à la mort, Créon jusqu'à la haine dessine une seconde tragédie par deçà la première, celle d'un roi fou contre une jeune fille folle.
Le philosophe Hegel écrit dans l'Esthétique III, 3 : "tous deux enferment en eux-mêmes ce contre quoi ils s'élèvent chacun tour à tour et sont brisés par cela même qui appartient au cercle de leur propre existence".
En agissant ainsi, chacun à sa manière accomplit l'acte d'hybris contre lequel le chœur énoncera une mise en garde pourtant dans le stasimon qui suivra.
III] L'instant tragique
1°) "seuls parmi les dieux" Récit du garde qui évoque la décomposition du corps puis le tourbillon.
En dépit de cette manifestation, les dieux ne paraissent plus que l'image d'un verdict impersonnel, d'un mécanisme inéluctable contre lequel Antigone et Créon se savent également démunis.
Privés de l'attention particulière de dieux, les héros se retrouvent seuls dans une cité désertée par les dieux, sans oracle ni signes divins, ou chacun doit décider seul pour soi et sa cité.
Face à ce silence des dieux, ce sont les formes rationnelles du tragique ( rhétorique, dialectique, justification) qui permettent aux héros de se résoudre à cette mort des divinités.
On songe alors aux surhomme nietzschéen qui décide de prendre en charge seul sa destinée en édictant des lois nouvelles.
2°) deux ordres pour un seul droit Antigone et Créon incarnent deux ordres, l'un naturel, l'autre positif qui s'afrrontent mais ne vont pas l'un sans l'autre.
L'épisode II tout entier illustre cette dialectique sur laquelle la pièce est fondée.
Le tragique repose sur la méconnaissance de l'odre opposé, droit de la communauté ou de l'état contre droit de l'individu ou de la famille, par les deux protagonistes.
Ils sont donc victimes de leur refus d'accepter les lois divines et humaines qui s'imposent à tout individu.
Créon est fermé à des dieux dont le fonction première ne serait pas d'assurer la stabilité de l'Etat.
L'ordre qu'il nous propose est celui d'un Etat auquel serait assujetti tous les vivants.
Face à cette morale toute politique, Antigone oppose une éthique inscrite au coeur de la conscience, sans lois écrites qui apparaît commeun donnée absolue.
La disctinction entre bien et mal telle que le conçoit l'ordre politique doit s'effacer devant cette éthique.
En mourrant, Antigone témoigne que cette éthique est supérieure à la vie.
3°) Une ligne rouge dans le brouillard.
Créon et Antigone sont tous deux d'ascendance divine : à suivre Hölderlin dans sa relecture de la Poétique aristotélicienne, on peut voir dans ce fait l'état natif de ces deux personnages : de ce fait, édicter des lois, privilège divin est l'émanation de leur nature.
Mais ces édictions vont contre les lois divines existantes (lois de la cité=Cadmos=Zeus, contre le devoir rendus aux morts).
L'état natif des deux héros ne peut occulter leur double nature fondamentale qui est d'être aussi pour partie des mortels.
L'hybris est donc inévitable, car édicter ces lois nouvelles c'est heurter de front les dieux et rentrer en conflit avec eux.
De surcroît, c'est à leur propre insu que les héros accomplissent cet acte mus par la partie de leur essence qui est divine.
Il existe une ligne rouge, dans un brouillard épais qui sépare le monde des hommes et des dieux que le mortel ne peut franchir impunément : c'est pourtant ce que font Créon et Antigone, sans le réaliser aveuglés par leur nature humaine.
A plus d'un égard, les décisions de l'un et de l'autre sont des anticipations du jugement divin.
Anisi va la condition tragique de ces deux héros écartelés entre leur deux natures qui ne sont à leur place ni dans le monde des hommes, ni dans le monde des dieux.
Aristote écrit dans la Poétique : ? t µ?µ t t f?s , l'art imite la nature, mais un peu plus moin il précise t? µ ? t ? ? f?s ?d at ?pe ?sas? , t? d? µ?µ t
"d'un côté l'art mène à son terme ce que la nature est incapable d'œuvrer, de l'autre il l'imite".
On peut relire tout comme Hôlderlin cette réflexion d'Aristote et l'appliquer au tragique chez Sophocle, pour constater que l'essence tragique de la tragédie sophocléenne, c'est de mener le héros au terme de son état natif, par un effort de culture, c'est à dire d'imagination.
Ainsi toute la tragédie sophcoléenne serait sous-tendue par une dialectique secrète entre culture et nature.
EPISODE III Créon contre Hémon 3ème épisode a ? très équilibré entre Hémon et Créon.
Loi morale fondée sur obéissance contre amour ( d'où le stasimon qui suit ) Etude des deux thèses.
Hémon domine Créon dans cet agôn : pluisuers arguments demeurent sans réponse.
Créon aggrave ses torts en revandiquant un pouvoir personnel et non le bien de la cité.
Antigone lui avait déjà fait une remarque à ce sujet dans l'épisode II.
Il ne sait pas écouter en Hémon à la fois la voix de la cité et celle de la raison.
Plus tard, il se résoudra, mais trop tard à écouter la voix des dieux, par la bouche de Tirésias.
Créon : "Une cité n'appartiendrait pas à son chef ?" Hémon: "si à condition de régner seul dans un désert" I] Discours de Créon - Devoir du fils envers le père - L'amour n'est qu'un plaisir (négation de la valeur intrinsèque de l'amour) - A fortiori un mauvais amour éprouvé de surcroît pour une méchante femme (il est intéressant de constater la progression de Créon qui va du général au particulier => amour=>plaisir=>mauvais amour=>méchante femme).
- Devoir du roi envers le peuple, paix civile.
L'argument pourrait se tenir puisque Thèbes sort d'une guerre civile.
Suit un développement sur les devoirs d'un bon citoyen et la nature de l'anarchie.
Créon cette fois progresse du particulier au général : après avoir présenté Anitogne comme une rebelle, il expose l'anti-Antigone, c'est à dire le bon citoyen, puis les conséquences des actes de rebellion, c'est à dire l'anarchie.
Ainsi se trouve assuré l'équation Antigone = anarchie.
Le raisonnement est remarquable bien construit, au point d'ailleurs qu'il emporte l'assentiment du coryphée dans un premier temps.
II]Discours de Hémon : Hémon associe fort subtilement la raison et les dieux.
En procédant ainsi, il s'assure que parler par la voix de la raison c'est parler au nom des dieux.
Hémon a bien compris la nature parfois paranoïaque du discours de Créon qui voit des ennemis partout.
Aussi entoure-t-il son discours de précautions oratoires : " je ne saurais affirmer que tu as tort".
Non moins habilement, il présente son discours comme rapporté, c'est à dire ce qu'il a entendu dans les rues de Thèbes.
Il se pose ainsi en représentant du peuple, par un curieux retournement, alors même que Créon a déjà fait valoir qu'il agissait au nom du peuple : n'a-t-il pas dit "l'élu d'un peuple doit être écouté en toutes choses".
Hémon va donc plaider pour Antigone au nom de la ville.
Dans la suite de son discours, il renvoie Créon à l'argument familial en l'invoquant à son tour pour faire valoir, dissipant ainsi les craintes de Créon que le fils désire le bonheur du père.
Il peut alors engager sa critique en montrant à Créon que sa prétention à croire tenir seul la vérité le mène à l'isolement.
Pour affermir son raisonnement, il le ponctue de deux métaphores fortes, celles de l'arbre et du roseau, toujours célèbres, et un topos, qui est celle du pilote du navire pour désigner une cité et son roi.
III] Au nom de l'amour.

Jusque là nous sommes dans une opposition politico-philosophico-religieuse entre Antigone et Créon, entre Créon et Hémon.
Et voilà le scandale : Hémon, à qui Créon a promis Antigone (un peu pour asseoir sa légitimité) est AMOUREUX d'Antigone - à quoi Créon répond (assez platement sinon vulgairement, disons-le) : "Il est d'autres champs à labourer".
Mais Hémon aime Antigone, et c'est pour cela qu'il ira se pendre dans la grotte où on a enfermé celle-ci.
La femme, pour Créon, n'est qu'un instrument à fonder une légitimité; Hémon se scandalise de l'attitude de son père.
Et pourtant Hémon rougirait de plaider pour sa fiancée et plus encore pour lui-même.
Hémon est épris de justice et ne plaide en définitive que pour cette dernière et son père.
L'honneur lui ordonne de maîtriser sa passion, de ne parler qu'au nom de la raison.
Ce n'est que son explosion dans les dernières répliques qui manifestent à la fois son sens de l'honneur et son amour pour Antigone.
Et la rage de Créon ne nous dit pas seulement à quel point l'individu est borné mais nous révèle aussi l'attachement du père pour le fils.

Assez moderne comme conception, non ? En tout cas, nettement différent de l'attitude d'Eschyle, en général, et plus proche (annonciateur ?) de celle d'Euripide.
On comprend mieux alors le stas?µ qui suit, ode à et au pouvoir de l'amour.
EPISODE V La prédiction de Tirésias Les dieux étaient jusqu'à alors demeurés silencieux.
Les avertissements de Tirésias sonnent leur réveil.
I] Puissances d'En-haut, puissances d'En-bas.
On distingue deux types de rites lors du sacrifice d'un animal : soit le sang de l'animal est orienté vers le ciel et dans ces conditions il s'agit d'un sacrifice de type ouranien (ouranos= le ciel) : on mange alors les abats dans l'allégresse, soit il s'agit d'un sacrifice de type chtonien qui se pratique au-dessus d'une fosse où le sang coule directement dans la terre ; les chairs sont entièrement brûlées en holocauste.
Les rites chtoniens s'adressent aux divinités infernales, et accompagnent certains sacrifices expiatoires.
A mon sens on peut ainsi analyser les propos de Tirésias.
La flamme ne s'élève pas au-dessus de l'autel, donc le sacrifice n'est pas ouranien ; cela signifie que les divinités infernales réclament même leur tribut puisque la graisse des cuisses fond sur le sol en crépitant et fumant.
encore que l'on pourrait aussi interpréter ce crépitement comme un refus, ce qui signifierait que ni les dieux d'en-haut, ni les dieux d'en-bas ne répondent plus !).
On peut comparer au chant I de l'Illiade où le sacrifice est ouranien.
Nous sommes face à un rite chtonien, puisque ce sont les divinités infernales qui sont offensées.
En outre, le caractère expiatoire du sacrifice est sous-jacent, en raison de l'attitude de Créon.
Quand la fumée se rabat, que la graisse coule et crépite est ce qu'on pourrait appeler un "sacrifice-test" , que Tirésias fait offrir pour *savoir* quel est l'avis des dieux.
Ce sacrifice est rejeté, parce que la famille d'Antigone, son oncle Créon et Thèbes tout entière sont souillés par la présence d'un cadavre non-enseveli.
Antigone essaie de répandre un peu de poussière sur le corps : le rite a pour but de laver la souillure provoquée par la présence du cadavre nu).
On pourrait rapprocher -entre autres- deux passages de l'Iliade (chant VI) : - Andromaque évoque la mort de son père, tué par Achille :

?at? d? t ?et ?a d? µ e ?e, seß?ssat? ? t? ?e µ? a µ ?at?t e s tes? da s ?d? ? s?µ? e (vv.
416 - 419) - Hector évoque la possibilité de sa mort µe te ta t? ?at? ? a pt (v.
464) Mais quand je serai mort, une terre répandue me recouvrira.
ainsi que bien d'autres sacrifices refusés (y compris Caïn et Abel
) par les dieux.
II] Le sacrilège de Créon.
Contre les dieux d'En-bas Il n'est pas innocent, dans une pièce où l'héroïne a affirmé ne plus vivre parmi les vivants dès l'épisode II, et où comme le souligne fort bien Tirésias, on enterre une vivante tandis que l'on refuse d'enterrer un mort.

La coupe est pleine, et Créon qui après avoir refusé d'écouter Hémon au 3ème épisode a cette fois-ci refusé d'écouter Tirésias, semble ne toujours pas comprendre qu'il offense toujours plus les dieux.
En effet, non seulement il ne respecte pas les dieux infernaux, mais en plus il n'écoute pas la voix des dieux en n'écoutant pas la voix de Tirésias.
Hémon ne lui avait-il pourtant pas dit que c'était les dieux qui avaient doté les humains de raison et qu'en conséquence écouter la raison c'était écouter les dieux ? Le basculement semble avoir lieu entre les deux tirades de Tirésias, comme si la parole de ce dernier avait une valeur incantatoire.
Créon aurait peut-être pu se sauver en écoutant Tirésias, celui-ci ne lui a-t-il pas dit "celui-là cesse d'être un insensé ou un malheureux, qui tombé dans le mal s'en guérit".
Il restait donc un espoir, mais Créon ne le saisit pas.
Les paroles de Tirésias le condame alors comme une sentence.
Tirésias utilise des futurs de l'indicatif.
Il y a de quoi effectivement fâcher très très fort les dieux d'En-bas, et ce n'est sans doute pas une vaine menace que Tirésias évoque la venue prochaine des Erinyes, comme si Créon avait pour le compte passé les bornes.
Le cadavre de Polynice est livré aux bêtes sauvages, de sorte que toutes viennent s'en repaître.
e ` de` pa^s s t a´ss t * ´?e *, ´s ** sp a´?µat' ` ´? ?a ´ ?s ** ` ^? ´ t pt ?`? ´?, fe´ ? a ?´s ? sµ?`? st ?^ ?* e ´ ?*.
Et toutes les cités ennemies se soulèveront, elles qu' ont souillées de lambeaux, ou les chiens, ou les bêtes sauvages ou quelqu'oiseau qui vole, portant l'odeur impie vers la cité qui possède un autel.
Cela signifie que : 1°) que toutes les bêtes susceptibles de se déplacer loin, d'où la précision pt ?`? pour l'oiseau, qui vole, donc pas les dindons, les poules etc.

ont pu répartir les lambeaux du corps de Polynice : or le raisonnement est simple ; il est sacrilège de ne pas rendre les honneurs funèbres à un mort.
Ne pas le faire amène la malédiction sur le territoire où le corps gît sans honneur.
Si les animaux éparpillent les lambeaux du corps ils agrandissent l'étendue du territoire où repose ce coprs toujours non consacré.
Ainsi le sacrilège s'étend et se propage en superficie.
La comparaison que l'on pourrait faire serait plutôt avec la peste qui se propage exactement de la même manière, avec des corps qui se décompose et avec des bêtes sauvages.
Or l'on sait que la peste, l'épidémie de manière plus générale est une punition des dieux.

2°)A la rigueur ce que pourraient symboliser ces animaux, c'est la force primale, instinctive, mais pas autre chose.
Il est clair que ce ne sont pas les animaux domestiques qui portent la puanteur.
3°) Comme il est dit dans le texte, c'est la ville qui possède un autel qui est souillée : et cette précision n'est pas innocente.
Cela signifie clairement que tous les lieux privilégiés de contact avec les dieux sont touchés, donc que le contact est rompu.
POUR LES HELLENISTES Etude du stas?µ ? : Hymne à Erôs Strophe ?´ a ?´?ate µa´? , ?´ , `? e ?t?´µas? ´pte , `? e µ ^? p ^? ?ea´ e ? ´e , f ta^ d' p ´?t ?+ ´? t' a ´µ ? a ? ^?+: ? ´ s' ?´t'+ a a´t + f?´ µ 1 ?d `? ?´?' µe ´ se´ ?' a ?´p
d' ´ ? µe´µ
Traduire le texte.
Voir l'accusatif de relation.
Erôs, invincible dans le combat, Erôs, toi qui te précipites sur le bétail, toi qui dors contre les fraîches joues de la jeune fille, toi qui erres au-dessus des vagues et à dans les demeures agraires, Nul parmi les immortels ne peut t'éviter, Nul non plus assurément parmi humains éphémères.
Il est saisi de folie, celui qui te possède.
1 f?´ µ signifie à la fois "que l'on voudrait éviter" et à la fois "que l'on peut éviter".
Cela a une importance, car faut-il traduire par : "Nul.


ne pourrait t'éviter" ? J'ai tout de même le sentiment que c'est plutôt "voudrait", à cause de d' ´ ? : Dire que Erôs est un bien que l'on peut posséder le différencie à mon sens d'une fatalité que l'on ne peut éviter.
La valeur du suffixe ?µ se perçoit mieux par le rapprochement suivant : - ?s?µ = ? (user de) + s?(?) = usage +µ (adj.
: utile - f ?µ = f -/fe - (fuir) + s?(?) = fuite + µ (adj.
: **fuyable** [Attention forme inusitée !!!!! ] --> que l'on peut fuir, à qui l'on peut échapper D'un autre côté, sachant que f sur lequel est construit l'adjectif signifie "action d'échapper à", c'est plutôt un argument pour traduire par "que l'on ne peut éviter".
Autre argument en faveur de cette hypothèse, Erôs est présenté comme un vainqueur irrésistible.
L'accent est donc mis sur le combat, et si l'accent est mis sur le combat, c'est quelqu'un à qui l'on chercherait à échapper donc à qui l'on ne peut échapper, en reprenant le texte.
Antistrophe s?` ? ` ´ d?´ f?e´? p aspa^ ` ´ß +, s?` ? ` t?´de ? ^ ? a ^?+ ´? µ +++ ´?e t a´? : ?a^? d' e a ?`? ß?efa´ ? ´µe ? e ?e´?t ? ´µf , t?^? µ a´ ? pa´?ed ? e a ? ^? ?esµ?^?.
´µa ? ?a`? µp ´? ? `?, f d?´ta.
Toi aussi tu détourne les coeurs fautifs des convenances en vue d'un déshonneur1 Toi aussi, ayant semé le trouble tu diriges cette querelle d'hommes entre parents de sang commun2: Victorieux est le visible désir passionné dans les yeux de la jeune fille dont le lit est désirable, il siège parmi les premières des lois divines 3 Car elle se joue sans combat, la divine Aphrodite.
Coryphée ^? d' ´d? ' ` ?a t?`? ?esµ?^? ´ fe´ µ ta´d' ^? ´s?e d' e´t? p a`? d?´?aµ da´ ? t?`? pa ´t ´?' ^ ?a´?aµ + t?´?d' ?t ?´ ? a ?´t s
Mais maintenant, moi-même, moi aussi je suis porté hors des lois en voyant cela et je ne puis plus retenir les flots d'un pleur lorsque je vois mon Antigone descendre vers la chambre où tout être doit s'endormir.
4 1la traduction diffère ici nettement de celle dePignarre.
Deux interprétations sont possibles : soit il y a une allusion aux adultères ou aux unions non-légitimes, soit, il s'agit encore d'une remarque pour Hémon, amoureux d'Antigone contre ce que réclamerait une attitude juste envers la cité : en effet, l'amour est nécéssairement dirigé vers un individu unique.
2 Il n'est pas aisé trouver un sens satisfaisant à ´?e : comme précédemment le propos est ambigü ; Est-ce que le choeur"reproche" à Aphrodite en suscitant l'amour chez Hémon d'avoir engendré une querelle entre Créon et son fils ? Cette interprétation demeure possible.
3 ou "écrites".
?esµ c'est la loi naturelle ou divine par opposition à la loi écrite, puis loi écrite par extension : en dépit de ce que conseille le Bailly, est-il bien sûr que cela soit la loi écrite ici ? Soit le Choeur rappelle qu'il y a des lois originelles qui nous viennent des dieux, et que l'amour en est une, soit il rappelle que l'amour a sa place auprès des lois écrites, ce qui est une invitation à concilier droit privé, et droit public, ordre particulier et ordre civique.
4 Le discours du coryphée tend à corroborer la première hypothèse.
Après avoir déploré le pouvoir de l'amour, peut-être, pris de pitié, est-il à son tour porter à aller contre la loi, en voyant le sort d'Antigone.
L'invitation à concilier les deux ordres pourrait être annonciateur de ce revirement.
Etude du stas?µ V.
Strophe 1 p ´ µe, ?adµ ´ ´µf ´? µa ? ` ?`? ßa ß?eµe´ta ?e´ ?, ?ta`? `? µfe´pe ta ´ , µe´de de` pa ´ , ? s ?´ ?^? e ´?p ?, ?a ^ ?a a^?+ µat ´p + T?´ß + ? et?^? p ' ?^? sµ ^ ´ a ´ t' ` sp a1^? d?a´ ?t ô toi aux noms nombreux, honneur de la fille de Cadmos, et race de Zeus au pesant tonnerre, toi qui fréquentes la glorieuse Italie, toi qui règne sur les vallées profondes communes à tous de l'Eleusis de Démèter, ô Bacchus toi qui demeures dans Thèbes cité-mère des bacchantes, contre les courants onduleux de l'Ismène, au milieu de la postérité du dragon.
1 Observons comment les mots grecs passent en français : sp a^? a donné spore en français, c'est à dire la fine poussière qui permet aux fleurs d'assurer leur descendance.
Ici, le mot désigne la posérité du dragon.
Commentaire mythologique : Sémélé = fille de Cadmos et d'Harmonie = mère de Dionysos.
Cadmos = fondateur de Thèbes et ancêtre d'Antigone.
Et de Créon aussi ! (héhé, peste soit de la belle famille, c'est le frère de Jocaste, or Jocaste est l'arrière petite fille de la soeur de Sémélé, Agavé.

Le dragon est la créature que Cadmos dut combattre pour pouvoir fonder Thèbes.
C'est ses dents semés dans la terre sur les conseils d'Athéna qui donnèrent naissance à la population de Thèbes.
Il se produisit d'emblée une guerre civile, car les guerriers en question s'entretuèrent jusqu'à ce qu'il ne demeure plus que quelques survivants appelés par la suite Spartes (homme semés).
Antistrophe 1 se` d' pe`? ?´f pe´t? ste´ ? ´ pe ?´?, ´ a ´ st ´ ?s? ´µf ?a ?´d , ?asta ´ te ?a^µa.
? ´ se s ´ ?e´ ss?´?e ´ a´ t' a ta` p ?sta´f pe´µp , µß ´t pe´ e a ´?t T?ß ´¨ s p ^?t' a a´? Une flamme mêlée de fumée brillante comme un éclair t'a aperçu par dessus la roche à double crête, là où en bacchantes s'avancent en ligne les jeunes filles de Corcyre, Elle t'a vu la source de Castalie.
Les hauteurs couvertes de lierre des monts de Nysa et un verdoyant sommet lourd de vignes t'envoient, toi qui observes les voies thébaines au son de divines paroles qui crient évohé.
Commentaires : on n'identifie toujours pas exactement la Nysa dont il est question en raison de la multiplicité de lieux appelés Nysa.

Petite remarque : Penthée petit fils de Cadmos et cousin germain, ex-roi de Thèbes eut de gros soucis avec son cousin en se refusant à le reconnaître.
A vrai dire dans les légendes il l'accusait de ne pas respecter les lois de la cité et d'amener la corruption dans les murs de Thèbes.
Voilà qui n'est pas très éloigné du discours de Créon, non ? D'Antigone à Dionysos, et surtout de Sophocle à Euripide, la loi écrite se trouve au centre de contestations à Thèbes.
La source de Castalie pour mémoire se trouve à Delphes, haut lieu de culte d'Apollon, mais ce que l'on ignore facilement, de Dionysos aussi.
Les deux sources de l'art tragique.

On l'a vu précédemment, le fait est que Dionysos est intimement lié à l'histoire de Thèbes, ne serait-ce parce qu'il est un descendant de son fondateur.
Strophe 2 ta`? e pa^s t?µa^ p ta´t ´?e µat ` s?`? ? a ?´ : ? ` ^?, ? ß? ´ ´?et pa´?daµ ´ ? ` ´s , µ ^? ? s?´ d?` ?a as?´ pe`? ?t?`? ` st ?´ ta p ?µ?´?.
Tu la tiens en honneur comme la plus haute des cités en compagnie de ta mère frappée de la foudre : Et maintenant comme la cité dans sa totalité est tenue sous le coup d'une maladie terrible, franchis le Parnasse escarpé ou la mer grondante pour un pas purificateur.
Commentaires : µ ^? : bel infinitif impératif ! Intéressant en termes grammaticaux : on trouve encore des infinitifs injonctifs dans la langue française: ex : ne pas se pencher par la fenêtre (écriteau dans les trains).
Bon : eh bien ici, c'est "passer par dessus le Parnasse et franchir la mer" l'écriteau, en quelque sorte.
Sauf que cette formulation qui n'a plus rien de littéraire dans notre langue l'est tout à fait en grec ancien.
A noter qu'en grec moderne, il n'y a plus d'infinitif :Il serait intéressant de connaître la trounure utilisée par les Grecs lorsqu'ils traduisent ce passage en grec moderne.
Antistrophe 2 ?` ^? e ´?t ?a´?' ´st ?, ´ f? µa´t ´s pe, p ^ ?`? ?e´?e , p fa´ ?' ^? , s ^? ´µa pe ´ T ´ s , a ´ se µa ?´µ pa´ ? ´ s? t?`? taµ?´ ?´?a
Io ! coryphée des astres qui soufflent du feu, gardien des voix nocturnes, enfant, race de Zeus, montre-toi, roi, aux thyades, tes compagnes, avec elles, elles qui en délire chantent toute la nuit leur maître Iacchos.
 

Antigone d'Anouilh - CONTROLE DE LECTURE

- Antigone , tragédie de Jean Anouilh (1944)

- De l'Antigone de Sophocle (441 avant Jésus-Christ) à celle de Jean Anouilh

- Résumé d'Antigone de Jean Anouilh

- Antigone - Jean ANOUILH -Le prologue

- Etude d’ANTIGONE de Jean ANOUILH