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Mémoire sur la socialisation en milieu scolaire

SOMMAIRE

I. L’ECOLE SOCIALISATRICE
A. La volonté d’éduquer l’enfant
1. La conquête de la personnalité
2. Education individuelle et sociale
B. La découverte des règles de la vie en société
1. Les programmes scolaires
2. Les compétences à acquérir
II. LA SOCIALISATION AU QUOTIDIEN
A. Des séquences d’enseignement spécifiques
B. Discipline et organisation
C. Le rôle d’éducateur de l’enseignant
Bilan Conclusion

MON STAGE

J’ai effectué mon stage à l’école primaire de la Monnaie à MOLSHEIM, dans la classe de Madame FONTAINE, institutrice en classe de Cours Préparatoire, durant les mois de novembre et décembre 1997, les mardis après-midi et vendredis matin.

INTRODUCTION

Lors de son entrée à l’école primaire, l’enfant découvre un univers inconnu et un mode de vie nouveau. Il doit s’adapter à un rythme de travail plus soutenu et adopter une attitude disciplinée qui permette à un groupe d’élèves de progresser harmonieusement. Aussi la formation sociale du caractère appuyée sur la morale de la règle a-t-elle un rôle prépondérant.

J’ai découvert en effet, au cours de ce stage, l’importance accordée à l’apprentissage des règles de vie et la mise en place d’une vie collective où l’enfant est susceptible de s’épanouir et d’assimiler les lois de la vie sociale. C’est pourquoi j’ai choisi de m’intéresser à l’action socialisatrice de l’école en observant le rôle de l’enseignant dans la transmission quotidienne de valeurs éducatives et sociales.

C’est dans le premier cycle de l’école élémentaire que l’enfant doit acquérir la conscience d’une discipline collective afin de pouvoir évoluer et intégrer des savoirs au sein du cadre structuré de l’école. Ce n’est qu’en acceptant les lois collectives auxquelles il a déjà été sensibilisé dans le préélémentaire que l’enfant saura s’adapter au système éducatif et progresser en toute sérénité. L’entrée à l’école primaire constitue en cela une grande étape dans la vie sociale de l’enfant. Il se trouve dès lors confronté à de nouvelles disciplines et méthodes de travail au sein d’une collectivité inconnue. Dans ce cadre, l’instituteur tient le rôle de médiateur entre l’individu et la communauté. Il devra apprendre à l’enfant les règles de la vie collective afin de pouvoir transmettre ensuite les savoirs de base à l’ensemble du groupe.

L’école a donc une fonction socialisatrice. Elle complète l’action familiale dans le domaine de l’éducation, en accordant une place importante à l’apprentissage des règles de vie qui représente la base de l’harmonisation du groupe social. Cet enseignement s’inscrit dans une organisation continue, ces valeurs étant transmises quotidiennement à travers des séquences d’enseignement spécifiques mais également par une organisation et une discipline permanente favorisant l’adéquation aux lois de la vie en collectivité.

I. L’ECOLE SOCIALISATRICE

L’action socialisatrice de l’école est fondamentale : elle permet l’adhésion des membres d’une société à des valeurs communes, l’affirmation d’une solidarité au-delà des différences de génération, sexe, classe, ethnie ou religion. Elle permet la création d’une culture commune et de fonder un lien social.

Avant de lui transmettre un savoir, l’école se doit d’éduquer l’enfant. Mais quel type d’éducation l’école peut-elle transmettre à un enfant à peine sorti de l’univers familial et faisant ses premiers pas dans une société inconnue ?

A. La volonté d’éduquer l’enfant

1. La conquête de la personnalité


La notion d’éducation est fluctuante et peut englober de nombreux domaines. Mais on observe globalement une évolution des techniques éducatives qui se préoccupent davantage aujourd’hui du développement de la personnalité de l’enfant et de son affirmation en tant qu’individu.
En effet pour DURKHEIM l’éducation tenait dans « l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale » et avait pour objet « de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques intellectuels et moraux que réclament de lui et la société dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné » .
JANNE synthétise ainsi cette perspective fonctionnaliste : « L’éducation n’est pas autre chose que l’organisation institutionnalisée de l’assimilation des enfants à la société globale, à la famille, et aux groupes auxquels ils appartiennent ou doivent appartenir à l’âge adulte ».
Mais cette vision de l’éducation nous apparaît aujourd’hui trop restrictive. La socialisation de l’enfant ne doit pas faire de lui un être social, mais avant tout un individu épanoui et équilibré capable de s’intégrer à une société. Aussi la formation scolaire vise-t-elle le devenir de l’enfant en tant qu’adulte. Or pour aider l’élève à s’épanouir, l’école doit pouvoir favoriser le développement de sa personnalité. Il s’agit donc de proposer un travail adapté au rythme du sujet et qui lui permette de développer ses capacités dans différents domaines car la conquête de la personnalité suppose une formation générale du corps, de l’intelligence, de la sensibilité et du caractère. C’est pourquoi les activités physiques et artistiques sont aussi importantes que les travaux intellectuels. Vers la sixième année naît une attitude de travail qui vient doubler la pratique du jeu. Contrairement au jeu, le travail à un début et une fin et suppose le maintien d’une certaine direction dans l’action. L’enfant doit apprendre à se concentrer et à canaliser ses pensées afin de construire un raisonnement. L’enseignant doit donc adapter les exercices proposés à l’évolution de l’enfant en associant les activités ludiques aux activités contraignantes. Il s’agit de développer et de mettre en valeur l’esprit imaginatif et la sensibilité de l’enfant.

C’est en ce sens que l’école, dans le domaine de l’acquisition de l’autonomie et de l’apprentissage de la vie sociale, se fixe des objectifs, prenant appui sur les instructions officielles. Il s’agit ainsi pour l’enfant :

- d’affirmer son autonomie dans l’espace par rapport aux objets et aux personnes ; tout élève doit se sentir responsable de ses actes et mouvements et respecter l’autonomie d’autrui

- de manifester de l’aisance corporelle ; l’enfant doit pouvoir développer ses capacités physiques par la pratique d’activités sportives ou d’expression corporelle

- d’adapter son comportement aux activités proposées ; il doit donc pouvoir adopter une attitude d’obéissance et respecter les règles qui régissent les activités

- d’imaginer et de créer des histoires, situations, jeux, objets ; l’enseignant se doit de proposer des exercices qui permettent le développement de la créativité

- d’exprimer ses préférences ; la liberté d’expression est indispensable au développement d’un esprit critique : l’enfant doit pouvoir faire des choix, exprimer son opinion afin d’acquérir le sens des initiative

L’expression personnelle a, en effet, un grand rôle dans l’affirmation de la personnalité de l’enfant. C’est en étant écouté et en apprenant à écouter les autres qu’il pourra faire sa place au sein du groupe et s’y épanouir librement.
Dès lors un dilemme se pose pour l’éducation dont l’enjeu est double : il s’agit d’éveiller l’individualité de chaque enfant tout en le sensibilisant à un certain conformisme qu’exige la vie en collectivité.

2. Education individuelle et sociale

L’institution scolaire a pour visée de former totalement l’enfant en trouvant un juste équilibre entre l’éducation individuelle et l’éducation sociale. Car cultiver uniquement l’individuel de l’enfant, c’est mal le préparer à s’adapter au milieu, mais cultiver seulement le social reviendrait à développer le conformisme et la mentalité de la termitière. Les apprentissages englobent une logique de socialisation qui implique aussi un mode de subjectivation : celui de l’individu personnel. L’enfant peut donc être considéré comme un acteur collectif placé dans une situation d’interdépendance qui le lie aux actions des autres acteurs. La vie de groupe impose des limites à chaque individu en même temps qu’elle permet à chacun de se situer et de s’affirmer par rapport aux autres membres de la collectivité.

La place de l’enfant dans le groupe dépend avant tout du type de pédagogie mis en place. Tandis que certaines pédagogies accordent une place centrale à l’enfant et à son développement personnel, d’autres privilégient la transmission de savoirs à une collectivité, se souciant moins du bien-être de chacun. Ainsi les pédagogies nouvelles ont, de façon générale, pour objectif de former le sujet. L’enseignement est synonyme d’éducation et sa mission est d’aider l’enfant à tendre vers l’autonomie. Cette conception poussée à l’extrême aboutit à l’éducation anarchiste, ultra libertaire, qui laisse libre cours à la spontanéité de l’enfant. Sans règlement, ni programmes précis, le seul but est de responsabiliser l’enfant et le rendre autonome. Face à cela, les pédagogies traditionnelles favorisent la transmission de savoirs, se préoccupant davantage du sort de l’élève que de celui de l’enfant. Soumis aux lois du groupe, il a une liberté d’action restreinte. Les pédagogies socialistes représentent un exemple probant de cette mise à l’écart de l’écolier en tant qu’individu. En refusant la distinction des sujets, elles contraignent chaque individu à se conformer au but de la collectivité.
Ainsi, alors que certaines pédagogies se centrent sur l’éducation individuelle du sujet en délaissant l’aspect collectif et communautaire, les autres concentrent leurs efforts sur l’éducation sociale en accordant un intérêt moindre à l’individualité des écoliers.

Il existe donc différents types d’enseignement qui oscillent entre les deux pôles que sont l’éducation individuelle et l’éducation sociale.
Emile COPFERMANN estime que « l’éducation rationnelle est celle qui trouve une formule d’équilibre entre les aspirations de chaque individu et les exigences du milieu social.
Aussi s’agit-il de sensibiliser l’enfant, dès son plus jeune âge, aux lois de la vie sociale. Cet enseignement est devenu officiel et s’insère donc dans les programmes scolaires sous forme de cours de morale et de civisme.

B. La découverte des règles de la vie en société

1. Les programmes scolaires


D’après les instructions officielles, quatre heures sont prévues dans l’emploi du temps à l’école élémentaire dans le domaine Découverte du monde et éducation civique.
L’instruction morale et civique a été introduite dans les programmes d’études des écoles normales par décret du 22 janvier 1884. Son but était alors l’adhésion aux principes et valeurs de la République. Mais on objectait aux enseignants leur partialité, réclamant, selon les termes d’Albert DURUY, « le droit absolu du père des enfant mineurs en matière religieuse et politique ». Cependant la morale, constitutive du climat de l’école, contient naturellement de l’instruction civique et lui fournit une dimension éducative. Le recueil des monographies pédagogiques, publié à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1889, explique que l’objet de l’instruction civique n’est pas « d’initier prématurément l’enfant à des notions de droit social et politique qui ne sont encore d’aucune application pour lui, mais d’organiser en lui, par le raisonnement et l’habitude, une sorte de mécanisme spontané de l’esprit et de la volonté, qui lui rende naturel et facile le respect des lois auxquelles il devra plus tard plier sa liberté ».
L’enseignement civique est donc l’achèvement de l’enseignement moral, la loi sociale venant s’ajouter à la loi individuelle.

En classe de CP, cet enseignement est avant tout centré sur l’apprentissage des règles de base de la vie collective. D’après les instructions officielles de 1985, ces lois fondamentales ayant pour but de développer un ensemble d’habitude qui sont le support de la vie civique, sont telles :

- les règles d’hygiène, de sécurité, de tenue

- le sens de l’effort et du travail bien fait

- le respect du matériel scolaire et des équipements collectifs

- le respect de soi et des autres ; le goût de l’autonomie et des responsabilités

- la reconnaissances des droits d’autrui, de l’égalité des races et des sexes, de la dignité de la personne

- le sens de la coopération et de l’entraide

Cet enseignement se base avant tout sur l’enfant lui-même et a pour objet de le responsabiliser. Il ne s’applique donc pas uniquement au cadre de l’école mais est le prolongement de l’éducation familiale, ainsi qu’en témoigne le document suivant tiré d’un manuel d’éducation civique destiné aux élèves de CP.
En observant l’illustration, l’enfant reconnaîtra sans doute une situation familière à laquelle il peut s’identifier. En comprenant que le rangement doit se faire aussi bien à l’école que chez soi, il pourra intégrer les concepts d’ordre et d’organisation.

L’apprentissage des règles de vie, du civisme et de la morale s’est donc peu à peu inséré dans les programmes des institutions scolaires. Il est devenu une discipline à part entière, avec des objectifs à atteindre et une évaluation des compétences et acquisitions de l’élève.

2. Les compétences à acquérir

L’apprentissage de la vie sociale englobe différents domaines dans lesquels l’enfant devra progresser. Il existe ainsi des grilles permettant d’évaluer le comportement de l’élève et les progrès effectués .

Dans un milieu différent du milieu familial, le jeune enfant continue de construire sa personnalité et découvre la vie collective :

- il affirme son autonomie dans l’espace par rapport aux objets, aux personnes ; il connaît son corps, adapte ses comportements à l’activité exercée et manifeste de l’aisance corporelle

- il adapte son comportement dans une situation où il n’est pas seul ; il coopère, établit des relations de plus en plus nombreuses, reconnaît l’autre, l’écoute et le respecte

- il comprend et respecte le rythme et les règles de la vie collective, y compris ses contraintes, et il comprend des jeux à règles et y participe

- il imagine et crée des histoires, des situations, des jeux, des objets ; il commence à différencier le réel de l’imaginaire

- il est sensible à des valeurs esthétiques et exprime ses préférences, y compris dans des productions

L’apprentissage de la vie sociale implique donc la construction de la personnalité et l’acquisition de l’autonomie. L’enfant devra être capable de comprendre et de respecter, à l’école et hors de l’école, les règles de vie qu’auront développer chez lui l’éducation à l’environnement, l’éducation à la santé, ainsi que l’éducation à la consommation et à la sécurité.


L’éducation au civisme participe également à ces enseignements, l’école guidant l’enfant vers une citoyenneté responsable. Cette sensibilisation à la citoyenneté se base sur trois thèmes :

- le respect de soi : l’enfant doit acquérir le sens de la vérité, de l’honnêteté, de la justice et de l’effort

- le respect de l’autre : l’enfant doit apprendre le respect de l’intégrité physique, de la liberté de conscience, des règles de politesse

- le devoir de la responsabilité : il doit acquérir le sens du débat démocratique passant par l’écoute de la parole de l’autre, le sens du travail en équipe et celui de la responsabilité personnelle et collective face aux problèmes liés aux droits de l’homme, à l’environnement et à la santé.

L’école ne se contente donc pas de transmettre des savoirs. L’enfant n’est pas seulement évalué sur ses acquisitions intellectuelles mais également sur le comportement qu’il adopte au sein de la classe et son aptitude à s’intégrer dans une collectivité. Cet enseignement fait aujourd’hui partie intégrante du programme, trouvant sa place dans les manuels scolaires. Mais l’apprentissage se fait avant tout à travers l’organisation quotidienne de la classe et la relation qu’entretient l’instituteur avec ses élèves. La socialisation est un enseignement permanent qui doit guider l’élève tout au long de sa scolarité, et tout particulièrement durant les premières années, lorsqu’il a encore besoin d’être fortement soutenu et orienté. L’enseignant doit alors privilégier l’acquisition d’une armature morale et créer un climat stable et équilibré qui permette à l’enfant de former son caractère et son esprit.

II. LA SOCIALISATION AU QUOTIDIEN

J’ai pu observer au cours de mon stage l’importance accordée à l’enseignement des règles de vie. J’ai appris grâce à Mme FONTAINE que ces apprentissages font partie intégrante de l’éducation scolaire et occupent une grande partie de l’emploi du temps. Car ces valeurs ne font pas uniquement l’objet de cours spécifiques, elles sont également transmises à travers l’organisation et à la discipline ambiante de la classe. Enfin l’enseignant, par son comportement et sa relation avec les élèves, contribue à inculquer ces règles de base indispensables à l’épanouissement de la vie collective.

A. Des séquences d’enseignement spécifiques

Dans l’emploi du temps de la classe de Mme FONTAINE, il y a chaque après midi un créneau horaire d’environ une heure consacré, soit à l’éducation civique, soit à la découverte du monde de façon plus générale.
Lors de ces séances, différents types de travaux peuvent être proposés aux élèves. Ils concernent tantôt la vie quotidienne de l’enfant : les règles élémentaires d’hygiène, la sécurité chez soi et dans la rue, les règles de politesse ... ; tantôt des situations particulières auxquelles il pourrait être confronté, comme par exemple la rencontre d’un enfant différent par sa couleur ou ses caractéristiques physiques, ou une imprudence commise dans la rue . Ce dernier type d’exercice doit permettre à l’enfant de réfléchir par rapport à une situation donnée et de communiquer son analyse. En observant sa réaction, l’institutrice peut évaluer le degré de la réflexion et du sens de la responsabilité qu’il possède. Pour mettre ces travaux en œuvre, l’enseignante utilise des fiches de travail qui permettent de mettre en scène une situation, soit à partir d’une illustration, soit à partir d’une histoire racontée . Les réponses données par les enfants par rapport au problème exposé permettent de mettre en place le dialogue ; car ces cours sont surtout basés sur l’entretien oral : chaque enfant doit pouvoir donner son opinion et écouter celle des autres.

Mais ces réflexions peuvent également être liées à des situations vécues au sein de l’école. C’est ainsi, par exemple, qu’un vendredi matin des enfants d’une autre classe chargés du ramassage des papiers dans la cour en avaient récolté une grande quantité. Leur professeur les chargea de passer dans les différentes classes montrer aux autres enfants les deux grands sacs remplis des déchets ramassés. Mme FONTAINE profita de l’occasion pour donner à ses élèves une leçon sur la propreté et le respect de l’environnement.
Enfin l’institutrice s’efforce de mettre en rapport ces leçons sur la vie quotidienne avec les événements sociaux. Suite aux affaires de pédophilie et aux récentes polémiques qu’elles ont développées, des prospectus ont été envoyés dans toutes les écoles primaires et distribués aux élèves afin de les prévenir des dangers qu’ils peuvent encourir en présence d’inconnus. En commentant ces documents et en permettant aux enfants de s’exprimer, l’enseignante a su les sensibiliser aux problèmes de l’insécurité et de la violence et leur indiquer les attitudes à adopter face à de telles situations.

Mais il arrive également que l’enseignante traite de sujets plus communs qui appartiennent à la vie quotidienne, comme par exemple la propreté ou l’alimentation. Elle s’aide alors de documents qu’elle recherche dans les manuels ou qu’elle crée elle-même, les présentant sous forme d’exercices.
Durant un des cours auquel j’ai assisté, elle s’intéressa ainsi à l’équilibre alimentaire. Pour aborder le sujet de façon intéressante, elle demanda d’abord aux élèves ce qu’ils avaient mangé au petit déjeuner et commenta leur réponses en leur expliquant comment faire un petit déjeuner équilibré. Elle testa ensuite leurs connaissances en leur demandant de citer des aliments sucrés et des aliments salés. Après quoi elle leur donna un exercice consistant à distinguer les bons des mauvais aliments.

L’enseignante use donc de diverses méthodes et emploie une grande partie du temps de travail à l’apprentissage des règles de vie.
L’importance accordée à cet enseignement se reflète d’ailleurs lors de l’évaluation trimestrielle. En effet dans le bulletin une partie de l’évaluation est consacrée à la discipline Education civique, une autre, plus large, aux Compétences transversales qui regroupent tous les aspects du comportement social de l’enfant.

PROGRAMME DE TRAVAIL : ELEMENTS EVALUES

Education civique
A B C D
Connaître et respecter les règles de vie communes
en classe et à l’école

Compétences transversales
Mener un travail à son terme dans un temps donné
Ecouter les autres et l’enseignante
Respecter les règles de vie au sein de la classe
Réaliser son travail avec soin
Prendre la parole à bon escient

A :acquis
B :en voie d’acquisition - réussites fréquentes
C :en voie d’acquisition - réussites peu fréquentes
D :non acquis

Lors de cette évaluation, l’enseignante ne prend donc pas seulement en compte les compétences observées lors des séquences d’enseignement spécifiques. L’évaluation se fait avant tout à travers l’observation du comportement de l’enfant et son aptitude à respecter la discipline et l’organisation en place au sein de la collectivité, car l’apprentissage des règles de vie sociale représente un enseignement permanent qui se règle avant tout à travers la discipline quotidienne.

B. Discipline et organisation


Selon Mme FONTAINE , environ 30% du temps d’enseignement est consacré à la discipline. L’institutrice a mis en place des règles et exige de ses élèves qu’ils s’y conforment. Aussi a-t-elle créé avec les enfants un règlement qui soit susceptible de régir la vie du groupe.
Ce règlement a été lu et commenté par l’enseignante au début de l’année et distribué à chaque élève afin qu’il soit également montré aux parents (et signé). Ces lois collectives déterminent des principes simples et concrets auxquels l’enfant doit se plier. L’enseignante insiste particulièrement sur le soin et la rigueur dans le travail. Elle souhaite que les élèves soient capables d’acquérir de plus en plus d’autonomie en gérant par exemple eux-mêmes leur carnet de devoirs, leurs cahiers et leurs classeurs, en apprenant à ranger méthodiquement et régulièrement leurs casiers et en sachant utiliser et respecter le matériel mis à leur disposition. Toutes ces consignes dites et répétées au début de l’année doivent devenir des automatismes pour l’enfant.
Mais ce règlement, simple, clair et concis demeure forcément lacunaire, le comportement des écoliers ne pouvant se régler sur quelques préceptes formels. Il s’agit donc de l’accorder aux diverses situations éducatives. Les temps de décompression par exemple sont parfois indispensables. A plusieurs moments de la journée, quelques minutes sont accordées aux enfants pour parler à leur gré. Mais l’institutrice contrôle et limite ces temps de liberté afin d’éviter les débordements. Elle emploie de plus certaines méthodes très efficaces pour faire respecter l’ordre. Ainsi, lorsque les enfant sont trop agités, elle leur demande de croiser les bras ou de poser la tête sur la table en exigeant le silence complet durant quelques secondes. Ou encore, lorsqu’en fin de journée les enfants sont impatients de courir hors de la classe, elle organise une sorte de compétition pour qu’ils sortent en silence : celui qui fait le moins de bruit pour se lever et mettre sa chaise sur la table est vainqueur !

Mais outre les lois spécifiques à chaque classe, les écoliers doivent aussi respecter les lois de l’école qui organisent la cohésion de l’ensemble des élèves.
Ainsi chaque samedi, les élèves de Mme FONTAINE vont à la bibliothèque où plusieurs classes se rencontrent parfois. Pour respecter les lectures de chacun, les enfants doivent chuchoter et remettre les livres à leur place.
De plus, d’autres règles régissent la vie des élèves en dehors de la classe, pendant les récréations ou lors de l’entrée et de la sortie à l’école. Lors de la sonnerie à la fin de la récréation ou au début des cours , les enfants doivent se ranger deux par deux en silence dans un emplacement déterminé. Ils doivent ensuite suivre les consignes de l’institutrice qui les guide jusqu'à la salle de cours. Chaque enseignant emmène ainsi sa classe dans un ordre défini afin d’éviter le chahut à l’intérieur du bâtiment.
De plus, chaque classe est chargée à tour de rôle du nettoyage de la cour durant la récréation. Les élèves de Mme FONTAINE tiennent ce rôle chaque vendredi matin : un petit groupe d’élèves volontaires ramassent les papiers trouvés dans la cour durant la récréation. J’ai pu remarqué avec étonnement à quel point les enfants s’empressent avec fierté d’accomplir leur tâche !
En écoutant les enseignants durant les récréations, j’ai compris qu’un problème se posait au niveau de la discipline dans la cour de récréation. Lorsque les enfants entrent dans l’enceinte de l’école en début de journée ou d’après-midi, le règlement stipule qu’ils n’ont plus le droit d’en sortir. Or certains parents restent devant l’école jusqu’au début des cours, incitant les enfants à faire des allers - retours entre la cour et la rue. Il se pose donc le problème de l’autorité parentale confrontée à celle de l’école.

Face aux problèmes d’indiscipline, l’enseignante adapte les sanctions à la faute commise. Cette année, les élèves sont dans l’ensemble disciplinés et ne posent pas de réels problèmes. Les quelques entorses au règlement restent mineures et ordinaires. Ainsi il arrive par exemple que des élèves apportent des jouets en classe et s’en servent en dehors de la récréation. Dans ce cas, l’institutrice les confisque immédiatement. Les tentatives de copiage sont également réprimandées : l’élève fautif est isolé. Mais face à un élève agité, qui perturbe le travail de la classe, si les mises en garde ne suffisent plus, l’enfant est alors plus sévèrement puni. L’enseignante se refuse à donner en punition des recopiages classiques de mots ou de phrases qui ne feraient qu’engendrer de l’aversion pour l’écriture. L’écriture doit rester un plaisir pour l’enfant et non devenir une contrainte. Elle préfère alors donner un exercice ou des opérations à l’enfant en le privant d’une activité plus attractive (bricolage, dessin...). Dans d’autres cas, si le comportement de l’élève ne s’améliore pas, et que ses débordements sont multipliés, l’enseignante choisit de prévenir les parents en mettant un mot dans le carnet de liaison de l’enfant. Suite à cela, les parents pourront réagir et discuter avec l’institutrice afin de trouver une explication et d’envisager une solution.

Ainsi, grâce à un cadre structuré et une organisation quotidienne où tout débordement est sanctionné, l’enfant trouve des repères précis indispensables à la cohésion des membres du groupe et qui contribuent à l’apprentissage des règles de vie que réclament tout cadre social.
Mais si ces lois sont présentes de façon à peu près similaire dans chaque classe, chaque enseignant les transmet à sa façon et suivant sa conception de la pédagogie et de l’autorité. Aussi le rôle de l’enseignant ne se cantonne-t-il pas à sa simple fonction d’instructeur. Il est avant tout un éducateur qui inculque des valeurs à ses élèves et les guide dans la découverte de la vie sociale.

C. Le rôle d’éducateur de l’enseignant

Tout enseignant est confronté au problème de la dualité éducative et instructive de l’enseignement. Janine FILLOUX souligne cette ambiguïté dans son ouvrage Du contrat pédagogique où elle explique que « maintenir une certaine distance entre les élèves et le professeur dans le cadre de la classe semble en première approche revêtir un caractère de nécessité aux yeux des enseignants. Distance affective qui, dans la proscription de la familiarité et la prescription du respect, assigne et maintient l’ordre des rapports sociaux dans le chapitre pédagogique. ».
Néanmoins, pour tout enseignant, l’important est de rendre humaine la relation fondée sur le rapport au savoir. Il se veut avant tout éducateur, terme sous lequel différentes réalités sont mise en jeu : il s’agit de former, apprendre à penser, transmettre une culture, une formation humaine, faire acquérir les normes de comportement social, les règles de vie (politesse, courtoisie, franchise..., les bonnes habitudes). L’enseignant s’assigne donc une mission de formation humaine. Mais Janine FILLOUX précise encore : « L’enseignant, porteur du mythe éducatif, ne peut que se définir dans la singularité de sa représentation et de son action. ».C’est donc grâce à des méthodes personnelles que l’enseignant organise l’aménagement de sa classe et établit une relation avec ses élèves. Et dans le domaine de la socialisation, l’enseignant a avant tout un rôle modelisant. L’image du bon enseignant est en effet celle de l’adulte modèle auquel l’enfant doit pouvoir s’identifier. Ce rôle est d’autant plus important en classe de CP car, entre 5 et 7 ans, l’enfant ressent le besoin d’imiter l’adulte. Il est donc primordial de tenir une attitude de respect et d’équité envers les élèves, pour que ceux-ci intègrent les valeurs morales de tolérance, de politesse, et de justice.

Aussi Mme FONTAINE privilégie-t-elle le dialogue et le contact avec ses élèves afin qu’ils ne se sentent pas opprimés par une autorité répressive, mais puissent exprimer leur idées et comprendre le sens de la démocratie qui passe par l’apprentissage du respect de la parole d’autrui. De plus, l’institutrice estime que le dialogue est nécessaire car il est du devoir de l’enseignant d’aider l’élève à sortir de cet anonymat qui le guette en tant que membre d’un groupe et de lui donner conscience de son individualité propre par des manifestations d’intérêt personnel. Elle prend donc le temps de s’intéresser et d’écouter chaque élève en respectant son besoin de parole et d’écoute et en épaulant plus particulièrement ceux qui ont des difficultés à communiquer et à participer au travail de la classe. C’est dans cet objectif que chaque matin elle accorde un temps d’un quart d’heure environ aux élèves pour parler de ce qu’ils veulent. C’est aussi le moment où certains enfants vont offrir leurs créations personnelles, dessins ou bricolages à l’enseignante, qui valorise ces travaux en les montrant aux autres ou en les affichant. Au mois de décembre, lorsque j’ai effectué mon stage, ces discussions matinales avaient souvent pour thème les fêtes de Noël. L’institutrice avait amené à l’école un calendrier de l’avent ainsi qu’une couronne, afin de préparer les fêtes et d’en expliquer les rites, particulièrement à une petite musulmane qui, grâce à cette préparation, a pu apprécier et apprendre les joies du Noël chrétien.

Outre ces temps de parole organisés qui permettent à chaque élève d’affirmer son individualité, l’institutrice favorise les activités collectives afin de souder le groupe en apprenant aux enfants à travailler ensemble.
Ainsi, afin d’apprendre un chant, les enfants, qui ne maîtrisent pas bien encore l’écriture et la lecture, ont trouvé une méthode très efficace : chacun dessine au tableau un élément mentionné dans la chanson et, lorsque l’ensemble du chant est reconstitué, les élèves n’ont plus qu’à retenir la mélodie et lire les dessins. Ils participent ainsi à l’élaboration et à l’apprentissage d’un chant ou d’un poème.
De la même façon, lors des ateliers bricolages, les enfants apprennent le travail collectif et l’entraide. En effet, à l’occasion de Noël, les élèves confectionnent des boules et guirlandes pour décorer la classe. Chacun constitue un morceau de guirlande, après quoi l’institutrice les rassemble pour la former complètement. Organisés en petit groupe, les enfants tournent sur les différents ateliers (création de boules, guirlandes, ou dessins). Arrivés sur un nouvel atelier, c’est à ceux qui viennent de l’achever d’expliquer les méthodes et le travail à effectuer. L’enseignante incite les élèves les plus habiles à guider et épauler ceux qui rencontrent des difficultés, ce qui permet de développer un comportement de solidarité. apprennent à s’organiser eux-mêmes, ce qui a pour effet de valoriser leur création.
En outre Mme FONTAINE accorde une grande importance aux manifestations et animations culturelles locales. Afin de mettre en valeur les réalisations de ses élèves, et de les impliquer dans la vie sociale de la commune, elle a mené avec eux, ainsi que d’autres classes de l’école de la Monnaie, une action au sein de la ville. Les enfants avaient pour rôle de décorer les sapins de Noël disposés sur la place de la mairie. Chaque tranche d’âge a placé ses décorations sur un sapin et une banderole indiquant qui l’a décoré. Grâce à ce genre d’action, les enfants perçoivent un sentiment d’appartenance à une communauté et sont fiers de participer à la vie quotidienne de celle-ci.
L’enseignante s’efforce donc de renforcer la cohésion de la classe en privilégiant les travaux collectifs et en faisant découvrir aux élèves la société dans laquelle ils évoluent.

Cependant, dans la vie quotidienne de la classe, les relations entre élèves sont parfois tendues, certains enfants pouvant se montrer cruels envers d’autres. Ainsi, il arrive qu’un élève se moque d’une faute commise lors d’un exercice oral par un de ses camarades, ce qui a pour conséquence de dévaloriser les efforts de ce dernier et de le mettre dans une position d’infériorité. Dans ce cas l’institutrice intervient et demande à l’élève qui s’est permis une remarque de corriger l’erreur plutôt que d’en rire. Parfois aussi, certains élèves se hâtent de rapporter une bêtise ou une infraction au règlement qu’un de leur camarade a pu commettre. L’institutrice blâme ce genre de comportement qui va à l’encontre du respect d’autrui. Elle prend garde, en effet, de traiter ses élèves de façon équitable et de leur inculquer des valeurs de respect, de tolérance et de solidarité.

L’enseignant a donc un rôle fondamental dans la transmission des valeurs morales et sociales. Se substituant à l’autorité parentale durant tout le temps que l’enfant passe à l’école, il se doit de poursuivre l’action familiale par l’enseignement des règles de vie tout en ouvrant de nouvelles perspectives à l’enfant en l’intégrant dans une collectivité.
En exerçant son autorité avec équité et bon sens, il pourra donner à ses élèves une image d’adulte exemplaire qui les conduira vers un avenir responsable.

BILAN - CONCLUSION


A l’âge où la scolarisation devient obligatoire pour tous les enfants, une nouvelle étape de la vie se dessine. L’enfant se détache du milieu familial et découvre un univers nouveau où il devra apprendre à travailler et à s’organiser de façon autonome, en accord avec le reste du groupe. Il doit donc trouver de nouveaux repères, s’adapter à un nouveau rythme et de nouvelles structures et apprendre à vivre avec ses camarades.

L’adaptation à la classe de Cours Préparatoire est donc difficile dans les premiers mois. Les élèves sont fatigués, perturbés, ce qui se traduit par de la nervosité et de la dissipation. L’enseignant doit donc accompagner l’enfant dans cette période transitoire en lui faisant découvrir les lois de l’école et de la classe et en apprenant à chaque élève à acquérir l’autonomie indispensable à sa constitution et à son développement personnel. De cette façon, en aidant l’enfant à développer sa personnalité tout en lui inculquant les valeurs sociales et les lois de la collectivité, l’enseignant combine l’éducation individuelle et l’éducation sociale de l’élève maîtrisant pleinement son rôle d’éducateur. En outre, les cours spécifiques qu’a établi le système éducatif viennent renforcer ce domaine de l’éducation en figeant ses objectifs de manière formelle.

Au cours de mon stage, j’ai découvert à quel point cet enseignement est fondamental et fait parti intégrante de la vie scolaire. Vers 6-7 ans, la demande affective est grande et l’enfant a besoin d’entretenir une relation privilégiée avec le « maître » ou la « maîtresse » qu’il associe à une figure parentale. J’ai remarqué que Mme FONTAINE tenait compte de ces comportements en autorisant à certains moments les manifestations d’affection et en se mettant à l’écoute des élèves. Il s’agit cependant de contrôler cette liberté affective afin que le rôle de l’enseignant ne soit pas déconsidéré et qu’il conserve son statut d’instructeur. Mais l’instruction des jeunes enfants doit prendre en compte les besoins et capacités spécifiques à leur âge. En effet, les jeunes écoliers ont un temps de concentration limité et ne peuvent poursuivre longtemps une même activité. L’enseignante qui m’a accueillie prend garde à alterner les travaux et les activités plus ludiques, réservant une grande partie des après-midi aux activités manuelles, artistiques, les enfants étant moins aptes à réfléchir et à se concentrer en fin de journée.
De plus elle accorde une certaine liberté de mouvement aux élèves, estimant que la position assise les contraint et va à l’encontre de leurs attitudes naturelles. Ainsi à plusieurs moments de la journée, les enfants peuvent se lever et circuler pour ramener des exercices à corriger à l’institutrice ou pour participer à des activités artistiques.


Pour ma part, je pense qu’il est indispensable de tenir compte du rythme et de l’évolution de l’enfant pour lui transmettre un savoir et des valeurs de façon efficace. L’étape que représente la classe de Cours Préparatoire est en cela décisive : l’enseignant doit accompagner l’enfant vers la découverte de nouveaux codes sociaux et de nouvelles lois qui jalonneront sa vie.

BIBLIOGRAHIE


Anne VAN HAECHT
L’école à l’épreuve de la sociologie - ( 1992 - Ouvertures Sociologiques)

Janine FILLOUX
Du contrat pédagogique - (1974 - Dunod)

PARTISANS
Pédagogie : éducation ou mise en condition ? - (1971 - Librairie Maspero)

Jean-Manuel DE QUEIROZ
L’école et ses sociologies - (1995 - Nathan Université)