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Sujet de brevet blanc : J. M. G. LE CLÉZIO, Poisson d'or
BREVET BLANC
ÉPREUVE DE FRANÇAIS
PREMIÈRE PARTIE : 1H30
- Questions (15 points) et réécriture (5 points) : 1h15
- Dictée (5 points) : 15 minutes
DEUXIÈME PARTIE : 1H30
- Rédaction (15 points)
L’usage de la calculatrice et de tout document est interdit.
Pour la deuxième partie (rédaction), l’usage d’un dictionnaire de langue
française est autorisé.
Quand j'avais six ou sept ans, j'ai été volée. Je
ne m'en souviens pas vraiment, car j'étais trop jeune, et tout ce que j'ai
vécu ensuite a effacé ce souvenir. C'est plutôt comme un rêve, un cauchemar
lointain, terrible, qui revient certaines nuits, qui me trouble même dans le
jour. Il y a cette rue blanche de soleil, poussiéreuse et vide, le ciel
bleu, le cri déchirant d'un oiseau noir, et tout à coup des mains d'homme
qui me jettent au fond d'un grand sac, et j'étouffe. C'est Lalla Asma qui
m'a achetée.
C'est pourquoi je ne connais pas mon vrai nom,
celui que ma mère m'a donné à ma naissance, ni le nom de mon père, ni le
lieu où je suis née. Tout ce que je sais, c'est ce que m'a dit Lalla Asma,
que je suis arrivée chez elle une nuit, et pour cela, elle m'a appelée Laïla,
la Nuit. Je viens du Sud, de très loin, peut-être d'un pays qui n'existe
plus. Pour moi, il n'y a rien eu avant, juste cette rue poussiéreuse,
l'oiseau noir, et le sac.
Ensuite je suis devenue sourde d'une oreille. Ça s'est passé alors que je
jouais dans la rue, devant la porte de la maison. Une camionnette m'a
cognée, et m'a brisé un os dans l'oreille gauche.
J'avais peur du noir, peur de la nuit. Je me
souviens, je me réveillais quelquefois, je sentais la peur entrer en moi
comme un serpent froid. Je n'osais plus respirer. Alors je me glissais dans
le lit de ma maîtresse et je me collais contre son dos épais, pour ne plus
voir, ne plus sentir. Je suis sûre que Lalla Asma se réveillait, mais pas
une fois elle ne m'a chassée, et pour cela elle était vraiment ma
grand-mère.
Longtemps j'ai eu peur de la rue. Je n'osais pas
sortir de la cour. Je ne voulais même pas franchir la grande porte bleue qui
ouvre sur la rue, et si on essayait de m'emmener dehors, je criais et je
pleurais en m'accrochant aux murs, ou bien je courais me cacher sous un
meuble. J'avais de terribles migraines, et la lumière du ciel m'écorchait
les yeux, me transperçait jusqu'au fond du corps.
Même les bruits du dehors me faisaient peur. Les
bruits de pas dans la ruelle, à travers le Mellah , ou bien une voix d'homme
qui parlait fort, de l'autre côté du mur. Mais j'aimais bien les cris des
oiseaux, à l'aube, les grincements des martinets au printemps, au ras des
toits. Dans cette partie de la ville, il n'y a pas de corbeaux, seulement
des pigeons et des colombes. Quelquefois, au printemps, des cigognes de
passage qui se penchent en haut d'un mur et font claquer leur bec.
Pendant des années, je n'ai rien connu d'autre
que la petite cour de la maison, et la voix de Lalla Asma qui criait mon nom
: “ Laïla ! ” Comme je l'ai déjà dit, j'ignore mon vrai nom, et je me suis
habituée à ce nom que m'a donné ma maîtresse, comme s'il était celui que ma
mère avait choisi pour moi. Pourtant je pense qu'un jour quelqu'un dira mon
vrai nom, et que je tressaillirai , et que je le reconnaîtrai.
J. M. G. LE CLÉZIO, Poisson d'or (Ed.Gallimard,
1997.)
PREMIÈRE PARTIE
QUESTIONS (15 points)
Une enfance volée
1. Quel événement le personnage principal a-t-il vécu comme un “ cauchemar ”
? (0,5 point)
2. A quelles époques de sa vie renvoient les présents “ Je ne m’en souviens
pas ” (ligne 1)
et “ j’étouffe ” (ligne 5) ? Justifiez votre réponse en précisant la valeur
de ces présents. (1 point)
3. En vous appuyant uniquement sur le texte, dites de quoi la narratrice se
sent privée à la
suite de l’événement mentionné dans la question 1. (0,5 point)
4. Relevez les deux groupes nominaux qui désignent Lalla dans le texte.
Pour quelles raisons la narratrice utilise-t-elle chacune de ces deux
expressions ? (1 point)
Une vie immobile
5. Relevez quatre indications temporelles. Pourquoi ne permettent-elles pas
d’établir
une chronologie précise du récit ? (1 point)
6. Des lignes 14 à 27 quel est le temps dominant ? Quel est l’effet produit
par l’emploi
de ce temps ? (1 point)
7. La “ grande porte bleue ” délimite une frontière entre deux mondes,
lesquels ?
Classez les indications spatiales se rapportant à chacun d’eux. (1 point)
8. L’enfermement de Laïla lui est-il totalement imposé ? Justifiez votre
réponse. (1,5 point)
En quête d’humanité
9. “ Je me souviens, je me réveillais quelquefois, je sentais la peur entrer
en moi comme un
serpent froid. ” Identifiez et explicitez la figure de style de la ligne
contenue dans cette phrase. (1 point)
10. Classez les différents oiseaux en fonction de leurs connotations dans le
texte et expliquez
votre répartition. (1 point)
11. a. Quelles sont les peurs de Laïla ? Expliquez-les en citant le texte.
(1,5 point)
b. “ la lumière du ciel m’écorchait les yeux ” (ligne 22), quel est l’effet
produit par le
choix de ce verbe ? (1 point)
1. “ je le reconnaîtrai ” (lignes 31-32)
a. A quelle classe grammaticale appartient “ le ” ? Quel mot remplace-t-il ?
Pourquoi
ce mot est-il si important pour la narratrice ? (1,5 point)
b. Identifiez le temps et le mode de “ reconnaîtrai ”. En quoi révèlent-ils
un changement
d’état d’esprit chez Laïla ? (1 point)
RÉÉCRITURE (5 points)
Réécrivez le passage de “ j’ignore mon vrai nom… ” (ligne 29) jusqu’à la
fin, en remplaçant
“ je ” par “ elle ” et en transposant le texte au passé. Respectez la valeur
des temps.
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