Jean-Jacques Rousseau (28 juin 1712, Genève - 2 juillet 1778, Ermenonville) est un écrivain et philosophe d'expression française. Second fils d'Isaac Rousseau, horloger, comme son père, son grand-père et Suzanne Bernard, elle-même fille d'horloger.

Sa mère est morte le 7 juillet 1712 à Genève, soit neuf jours après sa naissance. Il passe deux années chez le pasteur Lambercier à Bossey (au pied du Salève au sud de Genève) (1722 - 1724). Son oncle le place comme apprenti chez un greffier, puis en 1725 chez un maître graveur. Son père se remarie en 1726. Jean-Jacques quitte la Genève protestante à seize ans en 1728. C'est le curé de Confignon (à l'ouest de Genève) qui l'adresse à une nouvelle catholique d'Annecy, Madame la baronne de Warens. Celle-ci l'envoie à Turin où il se convertit au catholicisme le 23 avril. Il retourne l'année suivante aux Charmettes, près de Chambéry, chez celle qu'il appelle « Maman ». En 1730, il voyage à pied jusqu'à Neuchâtel, où il enseigne la musique. En 1732 il est maître de musique à Chambéry. En 1734 il devient l'intendant de Mme de Warens, qui deviendra sa maîtresse. C'est chez elle, en 1739, qu'il écrit son premier livre : Le verger de Madame la baronne de Warens.

À Paris, en 1741, il essaie d'exploiter l'invention d'un système de notation musicale et se lie avec Denis Diderot et Mme d'Epinay. Il écrit pour l'Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers des articles sur la musique. Le 18 octobre 1752 a lieu à Fontainebleau, en plein développement de la « Querelle des Bouffons » évoquée dans Les Confessions , la création du petit opéra Le Devin du village, qu'il vient de composer.

Il rencontre, en 1745 Thérèse Levasseur, modeste servante d'auberge, avec qui il se met en ménage. Les cinq enfants qu'elle lui donne sont confiés aux Enfants-Trouvés, l'Assistance publique de l'époque.

En 1750, il participe à un concours proposé par l'Académie de Dijon avec son Discours sur les sciences et les arts, dans lequel il développe la thèse que le progrès est synonyme de corruption et pour lequel il obtient le premier prix. En 1755, à un autre concours de la même Académie de Dijon, il répond par son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, qui achève de le rendre célèbre.

Émile ou De l'Éducation - publié en 1762 - ayant été condamné par le Parlement de Paris, il s'enfuit en Suisse, puis sur le territoire de Neuchâtel (Môtiers), qui appartient au roi de Prusse. Après un passage dans l'île Saint-Pierre, sur le lac de Bienne, il gagne l'Angleterre (1765), en compagnie de David Hume, attaché à l'ambassade de Grande-Bretagne à Paris. Il peut rentrer à Paris en 1770, à la veille de la chute de Choiseul, dont il a condamné la politique d'annexion de la Corse. Il se tourne également contre la politique russe de démantèlement de la Pologne, alors que la plupart des philosopes soutiennent Catherine II.

Rousseau achève son œuvre autobiographique, les Confessions (où il invente le terme de « Cruscantisme »), et les complète par les Rêveries du promeneur solitaire ainsi que par Rousseau juge de Jean-Jacques. En 1778, le marquis de Girardin lui offre l'hospitalité dans un pavillon de son domaine d'Ermenonville, près de Paris : il y meurt subitement le 2 juillet 1778, de ce qui semble être une crise d'apoplexie.

Le lendemain de sa mort, le sculpteur Houdon prend le moulage de son masque mortuaire. Le 4 juillet, Girardin fait inhumer le corps dans l'île des Peupliers, dans la propriété où, à partir de 1780, s'élèvera le monument funéraire dessiné par Hubert Robert et exécuté par J.-P. Lesueur. Le philosophe est rapidement l'objet d'un culte, et sa tombe est assidûment visitée. Puis les révolutionnaires le portent aux nues et la Convention demande son transfert au Panthéon. L'hommage solennel de la nation française a lieu le 11 octobre 1793 : dans une grandiose cérémonie, les cendres de Jean-Jacques Rousseau sont transférées d'Ermenonville au Panthéon. Jean-Jacques Rousseau devient officiellement une des gloires de la nation française.

L'œuvre de Rousseau s'inscrit contre la filiation nobiliaire et réveille cette inconnue de la « vieille » littérature, la sensibilité. Une sensibilité fondatrice de droits et de devoirs. Mais son influence trouvera sa pleine expression avec la Révolution française : le penseur politique en devient l'un des pères spirituels et tous se réclament de lui. Les révolutionnaires, d'un extrême à l'autre, prétendirent « ne marcher que le Contrat social à la main ». Les passions apaisées, l'œuvre de Rousseau continue à prendre sa juste place : à l'orée du monde nouveau généré par la révolution industrielle, elle incarne nos préventions contre le progrès; elle est aussi porteuse des premiers ferments de la littérature moderne, notamment en ce qui concerne l'écriture de soi. Rousseau est donc porteur des prémices du romantisme.

Jean-Jacques Rousseau a dit ce qui pour lui, était la vérité de son temps, telle qu'elle était connue et connaissable à l'époque à laquelle il vivait, la différence majeure entre son œuvre et d'autres « vérités » publiées se trouve peut être dans le parti pris affiché, et chez lui évident, (sa devise Vitam impendere vero (Juvénal, satire IV, v. 91), ou "Consacrer sa vie à la vérité" selon sa propre traduction, en fait foi), de considérer la notion de vérité comme objet de recherche supérieure à toute autre valeur et même à sa propre réputation et son propre honneur. On peut par certains côtés considérer la totalité de l'œuvre de Rousseau comme une immense lettre morale adressée à ses contemporains d'abord, mais aussi à l'humanité entière (et sinon éternelle, du moins pour quelques siècles après lui). L'état actuel de sa diffusion en librairie ainsi que le nombre des thèses consacrées à lui et à son œuvre, ainsi que les traductions en de multiples langues, semble confirmer la nécessité et l'utilité pour l'humanité de ces « essais de vérité » venant d'un passionné, d'un grand initié qui s'était risqué à descendre, et à oeuvrer, au niveau de ce monde émotionnel que les hommes maîtrisent le moins, encore aujourd'hui. Il « parlait peuple, pour les peuples », avant la lettre, et ce, avec autant d'intelligence que d'instinct, c'est-à-dire de cœur, sans être ni tribun ni orgueilleux, semblant tout de même ne pas ignorer, qu'à sa façon, il était (et peut-être resterait), l'un des grands instructeurs de l'humanité.

Le Contrat social a été considéré comme le texte fondateur de la République française. On s'est surtout attaché à la théorie de la souveraineté exposée par Rousseau : la souveraineté appartient au peuple et non à un monarque ou à un corps particulier. En revanche, on oublie souvent que Rousseau destinait son Contrat social à de petits États. Il s'inspirait de deux modèles, l'un antique (la cité grecque, notamment Sparte), l'autre moderne (la République de Genève). Rousseau s'opposait à l'opinion de la majeure partie des "Philosophes", qui admiraient souvent les institutions anglaises, modèle d'équilibre des pouvoirs loué par Montesquieu et Voltaire. Rousseau s'opposait également au principe même de la démocratie représentative, et préférait la démocratie participative. Le citoyen qui se contente de voter n'a selon lui qu'une souveraineté intermittente. En ce sens, Rousseau est un penseur anarchiste. En revanche, il s'opposait à la diffusion massive des savoirs, puisque son Discours sur les sciences et les arts y voit la cause de la décadence moderne. Le modèle de Rousseau est bien plus Sparte, cité martiale et par certains aspects communiste qui avait déjà inspiré La République de Platon, qu'Athènes, cité démocratique, bavarde et cultivée. Certains critiques universitaires -comme l'Américain Lester G. Crocker- particulièrement sensibles au modèle d'autarcie et d'unité nationales de Rousseau, lui ont reproché d'avoir favorisé le totalitarisme moderne. Cette opinion reste bien sûr minoritaire, mais elle témoigne de la force polémique qu'ont encore de nos jours les écrits du "Citoyen de Genève".

Les sources de la pensée politique de Rousseau

Elles sont nombreuses. Rousseau a élaboré sa pensée politique en critiquant et en s'inspirant de : Lucrèce, Hobbes, Locke, les théoriciens du droit naturel (Hugo Grotius, Pufendorf), Montesquieu. Il s'est aussi opposé aux Physiocrates, les premiers économistes français, partisans d'un despotisme éclairé au service d'un libéralisme économique fondé sur la plus-value foncière (physio-cratie="pouvoir de la terre"). On garde de lui quelques lettres échangées avec Mirabeau père, l'auteur de l'Ami des Hommes. Dès le Discours sur les sciences et les arts, Rousseau affirme son originalité en réfutant la thèse de la sociabilité naturelle de l'homme et en affirmant sa bonté naturelle. La première position le rapproche de Hobbes, qui voyait dans l'homme naturel un être isolé et cherchant avant tout à contenter ses besoins. Mais par la seconde, il se détache du penseur anglais, puisque celui-ci affirmait que l'"homme est un loup pour l'homme" (homo homini lupus). Considérant l'agressivité naturelle de l'homme, Hobbes, profondément choqué par la guerre civile et les troubles religieux anglais du XVIIè siècle, réclamait un pouvoir royal absolu confisquant la violence individuelle au profit de l'État ; enthousiasmé par la bonté naturelle, Rousseau, lui, considère que le pouvoir doit venir des individus eux-mêmes. Selon Hobbes, l'homme est mauvais en soi, selon Rousseau, c'est la société, c'est-à-dire le désir de posséder, de dominer et de paraître, qui a corrompu l'homme.