Roger Peyrefitte (Castres, 17 août 1907 - Paris, 5 novembre 2000), après une courte carrière de diplomate, fut pendant la seconde moitié du XXe siècle l'un des écrivains français les plus controversés. Il est un parent éloigné d'Alain Peyrefitte.

Roger Peyrefitte fit ses études dans différents collèges religieux (Jésuites et Lazaristes) du Sud-Ouest, puis à la Faculté des lettres de Toulouse, avant d'entrer à l'École des sciences politiques, d'où il sort major en 1930. Il sera secrétaire d'ambassade à Athènes de 1933 à 1938. Revenu à Paris, il donne sa démission en octobre 1940 pour raisons personnelles (peut-être une suspicion de collaboration). Réintégré en mai 1943, il est nommé à Paris. En février 1945, il sera contraint de se retirer de la carrière diplomatique, mais la même année marque le début de sa carrière littéraire.

Le roman autobiographique Les Amitiés particulières, paru en 1944, lui apporta d'emblée la notoriété en obtenant le prix Renaudot en 1945. L'auteur y suscitait déjà le scandale en révélant des tendances amoureuses peu orthodoxes : le livre décrit en effet les amours de deux garçons de quatorze et douze ans, au sein d'un internat catholique à l'atmosphère étouffante. Si la sexualité y est évoquée avec discrétion, elle est néanmoins bien présente en filigrane derrière les sentiments exacerbés des garçons – et, parfois, ceux des adultes. Comme lorsque le jeune Alexandre pose à son ami cette question : « Georges, sais-tu les choses qu'il ne faut pas savoir ? »

On peut lire cette histoire émouvante comme l'affrontement tragique, au sein d'une communauté exclusivement masculine, de deux religions : celle du Christ, et celle du Garçon. Chacun des personnages principaux est peu ou prou traversé par cette lutte entre l'amour mystique et l'amour garçonnier, entre le christianisme officiel et la pédérastie secrètement triomphante. C'est ce caractère quasi mythique, joint à l'érudition de l'auteur, au classicisme du style et à une composition rigoureuse, qui a fait des Amitiés particulières un véritable livre culte.

Vingt ans après sa publication, l'œuvre a été portée à l'écran dans un film de Jean Delannoy (1964), qui reçut un accueil triomphal à la Biennale de Venise. Sans avoir la densité et la profondeur du roman, cette adaptation est remarquablement servie par le jeune Didier Haudepin (Alexandre), par Michel Bouquet (le père de Trennes) et par Louis Seigner (le père Lauzon).

C'est au cours du tournage en l'abbaye de Royaumont que Roger Peyrefitte tomba amoureux d'un garçon d'une douzaine d'années, Alain-Philippe Malagnac d'Argens de Villele, avec lequel il connut ensuite une liaison passionnée qui fera le sujet, entre autres, des récits Notre amour et L'Enfant de cœur. C'est pour financer les diverses affaires entreprises par Malagnac dans les années 80, que Roger Peyrefitte vendra ses collections de monnaies, livres rares et sculptures antiques. Par la suite, Alain-Philippe Malagnac épousera Amanda Lear et trouvera une mort tragique dans l'incendie de leur maison, trois mois seulement après la mort de Roger Peyrefitte.

En 1953, Les Clés de saint Pierre où Peyrefitte brocardait le pape Pie XII fit scandale. François Mauriac menaça de quitter L'Express si cet hebdomadaire continuait à faire de la publicité pour le livre. L'affrontement entre les deux écrivains devait encore s'exacerber au moment de la sortie du film Les Amitiés particulières, et il culmina avec une féroce lettre ouverte publiée par Peyrefitte, qui n'hésita pas à mettre sur la place publique les mœurs secrètes de Mauriac et à le traiter de Tartuffe.

Peyrefitte s'est toujours ouvertement proclamé homosexuel, ou plutôt pédéraste : « J'aime les agneaux, disait-il, pas les moutons ! ». Plus encore qu'André Gide, et au contraire d'Henry de Montherlant dont il fut longtemps l'ami et le complice, il conçut sa carrière littéraire comme une militance courageuse et assidue en faveur de l'amour des garçons.

Ce long combat pour la liberté amoureuse ne l'empêcha d'ailleurs pas de manifester à l'occasion une certaine sympathie pour le catholicisme intégriste. Il mourut à 93 ans, muni des sacrements de l'Église.