Le Très Révérend Georges-Henri Lévesque (16 février 1903 - 15 janvier 2000) était un prêtre dominicain et sociologue canadien.

Né à Roberval, le fils de George Lévesque et de Laura Richard, dans une famille de quinze enfants, il étudie au séminaire de Chicoutimi. Il est de la même génération que Paul-Émile Borduas et François Hertel. En 1923, à l'âge de vingt ans, il entre chez les frères prêcheurs à Saint-Hyacinthe. Il a choisi cet ordre parce que les dominicains agissaient beaucoup sur le plan social, et lui-même se disait intéressé par la société et la sociologie. Il poursuit ses études au collège des Dominicains à Ottawa et à l'Université catholique de Lille, puis il est ordonné prêtre en 1928. Il poursuit ses études en théologie jusqu'en 1930, et obtient son diplôme d'études supérieures en sciences sociales en 1933, l'équivalent d'un doctorat.

Il enseigne la philosophie sociale au collège des dominicains, puis aux universités de Montréal et de Laval. Il est surtout reconnu pour avoir fondé en 1938 l'École des sciences sociales de l'Université Laval, devenue faculté en 1943. Cette faculté se spécialise dans la sociologie, l'économique, les relations industrielles et le service social. Il travaille aux côtés de Everett-C. Hughes, devenu le président de l'association sociologique américaine.

Pendant la guerre, il écrit dans la revue Ensemble. En 1943, il fonde la société pour l'éducation des adultes. Il participe aussi à la commission d'enquête sur le gouvernement canadien, créée par Mackenzie King. Il voulait utiliser son poste de doyen pour promouvoir la démocratie.

Louis Saint-Laurent le nomme à la commission Massey sur le mécénat, où il siège de 1949 à 1951. En 1955, il fonde la Maison Montmorency, qui s'appelle aujourd'hui le Manoir Montmorency. De 1959 à 1961, il est président de l'association canadienne-française pour l'avancement des sciences (ACFAS). Il est vice-président de la société royale du Canada en 1962 et en 1963.

Lévesque était critique du gouvernement unioniste de Maurice Duplessis à partir de 1949, lorsque la grève d'Asbestos fut réprimée par la police provinciale. Il s'attira la foudre de la droite politique, et de fait Duplessis refusa d'engager les diplômés de sa faculté parce qu'il n'aimait pas beaucoup les intellectuels. Les syndicats et les agriculteurs catholiques de l'époque partagent le mieux leurs idées avec lui.

Les choses changent avec l'élection des gouvernements libéraux de Jean Lesage et de Lester B. Pearson, qui prennent directement de sa faculté pour améliorer leur haute fonction publique. Le rôle accru de l'État qui en a résulté, et la grande influence qu'a eu Lévesque sur ses étudiants fait de lui un des importants pères de la Révolution tranquille au Québec. Il rencontrait régulièrement les trois colombes à Cité Libre (Trudeau, Marchand, Pelletier).

Dans ses écrits, il souhaitait une école populaire laïcisée, ce qui fut peu après réalisé par Paul Gérin-Lajoie. La prise en main de l'économie par les Canadiens français («Maîtres Chez Nous») est largement réalisée par ses économistes et administrateurs, dont Jacques Parizeau, Michel Bélanger, Albert Faucher et Claude Morin, tous keynesiens. Il refusa d'entrer en politique, trop partisane selon lui, car il se savait prêtre.

La philosophie de l'histoire du Canada français est très marquée par les historiens qu'il a formé : l'«école de Laval» (Marcel Trudel, Jean Hamelin, Fernand Ouellet) émet la thèse que le recul économique et social des Canadiens français est causé par l'influence néfaste du clergé, alors qu'à l'inverse, l'«école de Montréal» (Lionel Groulx, Maurice Séguin, Michel Brunet, Guy Frégault) blâme les effets de la Conquête britannique. L'école de Laval est devenue plus influente dans l'historiographie, et beaucoup d'intellectuels et d'étudiants ont remis en question les valeurs traditionnelles du clergé et de l'Église. La faculté philosophique de l'Université perd son caractère canonique en 1970. Lévesque lui-même restait attaché à un catholicisme très teinté de libéralisme.

De 1963 à 1972, il est le recteur de l'Université de Kigali au Rwanda. Sa période africaine, il l'appelait sa deuxième carrière. Il a été attristé aux nouvelles des échecs missionnaires et massacres génocidaires dans ce pays. En Espagne, il a aidé à la création de la faculté des sciences sociales de l'Université de Salamanque.

Pendant sa vie, il a reçu 15 doctorats honoris causa et il a publié plus de cinquante ouvrages scientifiques. Il a publié ses mémoires, intitulées Souvenances, en 1983. En 1994, il a publié des carnets d'histoires du Québec avec le médiéviste et critique littéraire Benoît Lacroix.

Il est décédé le 15 janvier 2000 à l'âge de 96 ans et onze mois. La nouvelle de son décès a provoqué un grand flux d'hommages dans la classe politique québécoise. Ses funérailles ont été tenues à l'église Saint-Dominique de Québec. Il est reconnu comme un semeur d'idées.