Gérard de Nerval (Paris, 22 mai 1808 - Paris, 26 janvier 1855), de son vrai nom Gérard Labrunie, est un écrivain, poète et traducteur français.

Il est né le 22 mai 1808 à Paris. Deux ans après, sa mère mourut en Silésie alors qu'elle accompagnait son mari, médecin militaire de la Grande armée napoléonienne. Il fut élevé par son grand-oncle maternel, Antoine Boucher, dans la campagne du Valois à Mortefontaine. Installé à Paris en 1814, lors du retour de son père, il revint régulièrement dans ces lieux évoqués dans nombre de ses nouvelles.

Encore lycéen, il se signala par ses traductions de Faust et autres œuvres de Goethe, qui restent les meilleures jamais exécutées. Il se lia d'amitié avec Théophile Gautier et Victor Hugo et devint un membre remarqué des Jeune-France et du groupe bohême de la rue du Doyenné.

Épris de la cantatrice Jenny Colon, Nerval lui voua un culte idolâtre qui prit des formes nouvelles à la mort de celle-ci : figure de la Mère perdue, mais aussi de la Femme idéale où se mêlent, dans un syncrétisme caractéristique de la pensée de Nerval, Marie, Isis, la reine de Saba... Il connut à partir de 1841 plusieurs crises de démence qui le conduisirent à la maison de santé du docteur Blanche. Dès lors ses séjours dans cet établissement alternèrent avec ses voyages, en Allemagne, au Moyen-Orient. Dans les années 1844 à 1847, Nerval voyagea beaucoup (Belgique, Hollande, Londres, environs de Paris) et rédigea des reportages et impressions de voyages correspondants. En même temps, il travailla comme nouvelliste et auteur de livrets d'opéra ainsi que comme traducteur des poèmes de Heinrich Heine qui était son ami (recueil imprimé en 1848). Ses dernières années furent marquées par la détresse matérielle et morale, et par l'écriture de ses principaux chefs-d'œuvre, réalisés pour se purger de ses émotions sur les conseils du docteur Blanche : Sylvie, Aurélia (1853-1854). On le retrouva pendu à une grille d'un bouge, rue de la Vieille-Lanterne, le 26 janvier 1855, dans le « coin le plus sordide qu'il ait pu trouver », comme l'a noté Baudelaire.

L'insistance de Nerval sur la signification des rêves eut une influence sur le mouvement surréaliste qui fut soulignée par André Breton. Marcel Proust et René Daumal furent aussi grandement influencés par cette œuvre majeure.


Un chef-d'œuvre : Sylvie

C'est une autobiographie déguisée où, derrière un narrateur fictif s'exprimant à la première personne, Nerval recompose des souvenirs d'enfance et sa quête vaine d'un bonheur simple et réconcilié. Un entrefilet dans un journal plonge brutalement le narrateur dans des souvenirs de fêtes villageoises près de Senlis. Il décide de quitter Paris sur l'heure et au cours du trajet qui le mène à Loisy, il se remémore sa jolie compagne d'alors, la brune Sylvie, et la mystérieuse Adrienne, aperçue un soir au milieu d'une ronde de jeunes filles, et jamais oubliée depuis. Les années ont passé, néanmoins, et sitôt arrivé, le narrateur ne peut que constater le naufrage du temps : Sylvie se moque gentiment de ses obsessions et si l'ombre d'Adrienne plane encore non loin de l'abbaye de Châalis, elle est morte depuis longtemps déjà. Seul le narrateur poursuit ses chimères et prétend confondre l'actrice Aurélie dont il est épris avec ce fantôme. Alors peut-être la sage Sylvie le sauverait-elle en lui offrant une vie sans nuages ? Mais elle est gantière et en voie d'épouser un pâtissier. La construction de cette brève nouvelle est très habile, ménageant des ponts incessants entre le passé et le présent. Les thèmes chers à Nerval s'y déploient avec une étonnante concentration : le pouvoir rédempteur de la Femme, assimilée à la Mère trop tôt perdue; les charmes d'une province oubliée par le temps, parsemée de châteaux magiques et de bois profonds hantés du souvenir de Jean-Jacques Rousseau, qui passa là ses dernières années; les sortilèges du rêve enfin, et de la mémoire, par lesquels le narrateur affirme une formelle défiance à l'égard du monde réel.