Georges ArnaudUne partie des informations mentionnées dans cet article proviennent du livre de Roger Martin : George Arnaud, Vie d'un rebelle, chez Calmann-Lévy.

Georges Arnaud est le nom de plume de l'écrivain, journaliste d'investigation et militant politique Henri Girard (1917-1987). Georges est son deuxième prénom, Arnaud le nom de jeune fille de sa mère.

Né le 16 juillet 1917 à Montpellier (Héraut), Henri Girard est un enfant passablement indiscipliné. Rêvant d'aventures et d'exotisme, il a neuf ans lorsque sa mère décède en 1929. Valentine Girard est emportée par la tuberculose, maladie dont Henri souffrira lui-même au cours de sa vie. Elève moyen, il est cependant doué pour les matières littéraires. Après l'obtention du baccalauréat, il étudie le droit à Toulouse puis à Paris. Licencié en droit, il suit également les cours de l’École libre des Sciences Politiques et commence à écrire.

Il se marie une première fois en 1938. Mobilisé en 1940 (peut-être engagé volontaire après avoir été réformé), il est capturé par l'armée allemande, puis s'évade et se réfugie à Clermont-Ferrand, en zone non-occupée. Il envisage alors une carrière dans la fonction publique, sans doute encouragé par son père, haut fonctionnaire au Quai d'Orsay.

Le 25 octobre 1941, le père d'Henri, Georges Girard, alors engagé dans la collaboration, sa tante et une domestique (ainsi que le chien, selon la légende) sont assassinés à coups de serpe dans la demeure familiale d'Escoire, en Périgord. Henri Girard donne l'alerte le lendemain matin. Face aux circonstances mystérieuses du drame (aucun témoin, absence de mobile, pas de traces d'effraction), il est arrêté. Bien qu'il proteste de son innocence, il passe dix-neuf mois en prison, jusqu'à la spectaculaire conclusion de son procès, le 2 juin 1943. Alors qu'il risquait la peine de mort, Henri Girard bénéficie de l'intervention magistrale de l'avocat Maurice Garçon, ancien ami de son père. Acquitté par les jurés après quelques minutes de délibération seulement, il reçoit un triomphe de la part du public du Palais de justice. L'affaire d'Escoire ne sera cependant jamais élucidée.

Sur ces circonstances, le jeune homme se fera appeler Georges Arnaud.

Il vit à Paris de 1943 à 1947 où il dépense rapidement l'héritage familial, avec le mépris pour les contingences matérielles qu'il affichera toute sa vie. Il se lie à une jeune chanteuse, avec qui il aura deux fils. Ses biens saisis par les huissiers, y compris la propriété d'Escoire, il s'embarque pour l'Amérique du Sud le 2 mai 1947.

Sur ce continent, Georges Arnaud mène pendant deux ans une vie de bourlingueur. Il dira y avoir multiplié les métiers, de chercheur d'or à barman et passant par chauffeur de taxis et de camions.

De retour en France en 1950, il publie son premier roman Le salaire de la Peur, inspiré de son périple en Amérique du Sud. Le livre rencontre immédiatement un immense succès.

Son divorce prononcé en 1951 (la mère de ses fils le poursuivra pour ne pas lui avoir versé de pention alimentaire), l'écrivain se remarie la même année. Paraissent ensuite de nouveaux ouvrages tiré de ses expériences : Le Voyage du mauvais Larron et Schtibilem 1941 (sur son séjour en prison). Georges Arnaud réalise parallèlement des reportages pour différents journaux.

En 1952 le cinéaste Henri-Georges Clouzot tourne l'adaptation du Salaire de la Peur avec Yves Montand et Charles Vanel. L'année suivante, le film est récompensé au Festival de Cannes (Grand Prix et prix d'interprétation à Charles Vanel). Arnaud restera réservé quant à la fidélité de cette adaptation, peut être vexé que le réalisateur n'ait pas utilisé le scénario qu'il lui avait proposé.

En 1953 Henri Girard rencontre sa nouvelle compagne, Rolande, qu'il finira par épouser en 1966. Toujours en 1953, sa pièce Les Aveux les plus doux lui vaut un nouveau succès. Edouard Molinaro en tirera en 1970 une adaptation pour l'écran.

En 1957, aux Editions de Minuit, il signe avec l'avocat Jacques Vergès un manifeste, Pour Djamila Bouhired. Cette dernière, combattante du FLN, soupçonnée d'être une poseuse de bombes, est capturée par les paras français. Torturée, jugée et condamnée à mort en juillet 1957, Djamila Bouhired sera défendue par Jacques Vergès, qui obtiendra que sa peine soit comuée (et épousera sa cliente, libérée en 1962). Pour Djamila Bouhired est, avec le livre d'Henri Alleg La Question, l'un des manifestes qui alerteront l'opinion publique sur les mauvais traitements et les tortures infligés par l'armée aux indépendantistes algériens.

Georges Arnaud est alors arrêté pour non-dénonciation des participants à une conférence de presse en faveur de l'indépendance de l'Algérie qui s'était déroulée dans un grand hôtel parisien. Il reçoit le soutien de Joseph Kessel, Jean-Paul Sartre, Jacques Prévert, François Maspero, André Frossard et d'autres personnalités. On s'élève à la fois contre la tentative de violation du secret professionnel, dont Arnaud bénéficie en tant que journaliste et, de plus en plus, contre la pratique de la torture en Algérie qui constitue le véritable enjeu de cette affaire. Inaugurant la stratégie dite d'enfermement militant, Georges Arnaud passe deux mois en prison. Il profite du scandale occasionné pour demander non seulement son acquittement mais aussi des excuses de la part de l'armée. Son procès aboutira à une condamnation en sursis à deux années d'emprisonnement. Ce verdict sera in fine annulé par la cour de cassation.

En 1962, Georges Arnaud s'exile en Algérie avec sa famille. Il contribue à la création d'une école de journalisme et au lancement du journal Révolution Africaine.

Au début des années 1970, la tuberculose le contraint à plusieurs séjours en France, notamment à Chamonix. À la suite d'une pleurésie, il quitte définitivement l'Algérie en 1974.

De 1975 à 1981, il réalise des reportages remarqués pour la télévision française, notamment sur la secte Moon ou sur l'affaire Peiper (ancien SS criminel de guerre, réfugié en Haute-Saône, dont la maison fut incendiée en 1976 - un cadavre inidentifiable fut découvert dans les décombres).

En 1984, la famille de Georges Arnaud s'établit en Catalogne où il terminera ses jours. Henri Girard-Georges Arnaud succombe à une crise cardiaque le 5 mars 1987 à Barcelone.


Le salaire de la peur Bibliographie
- Le salaire de la peur, Julliard, 1950
- Le voyage du mauvais larron, Julliard, 1951 ; Le Pré aux Clercs, 1987 (édition revue et corrigée)
- Lumière de soufre, Julliard, 1952
- Indiens des hauts plateaux, revue 9 , n°8, décembre 1952
- Prisons 53, Julliard 1953
- Schtibilem 1941, Julliard, 1953
- Les Oreilles sur le dos, Editions du Scorpion, 1953 ; Julliard, 1974 (édition revue et corrigée)
- Les Aveux les plus doux, Julliard, 1954
- Les Aveux les plus doux (scénario), Editions des Lettres françaises, 1954
- Indiens pas morts, Delpire Editeur, 1956
- Pour Djamila Bouhired, Editions de Minuit, 1957
- Maréchal P..., Editeurs Français Réunis, 1958
- La plus grande Pente, Julliard, 1961
- Mon procès, Editions de Minuit, 1961
- Préface au Meurtre de Roger Ackroyd d’Agatha Christie, Le Livre de Poche, 1961
- L’affaire Peiper : plus qu’un fait divers, Atelier Marcel Jullian, 1978
- Chroniques du crime et de l’innocence, Jean-Claude Lattès, 1982
- Juste avant l’aube, en collaboration avec Jean Anglade, Presses de la Cité, 1990


Quelques repères :

- 1922 la famille monte à Paris.
- 1926 Valentine Girard (née Arnaud) meurt de tuberculose, il a neuf ans. Etudes moyennes (Licence de Droit - "Licence de ne rien faire" dira-t-il plus tard "je le sais, j'en ai une"...)
- Mariage en 1938 ; mobilisation en 40, fait prisonnier il s'évade. Prépare le Conseil d'Etat à Clermont Ferrand (tout en hésitant à prêter serment au gouvernement de Vichy. Question de principe, dont il discutera calmement avec son père).

"Ce frère que j'ai eu de parents qui n'étaient pas les miens, tué à vingt ans par un morceau de fer qui ne le valait pas, tué par la guerre." (op.cité p.102)
- Le 25 octobre 1941 à Escoire, son père, sa tante et leur domestique sont assassinés. Henri Girard est accusé et incarcéré. Le 2 juin 1943 : acquittement.
- Paris de 1943 à 1947. Dilapidation de la fortune héritée (au fur et à mesure qu'elle arrive à lui). Tentation de devenir décorateur ("designer"). Il rencontre Suzanne Graux (chanteuse alors débutante). Le 2 janvier 1946 naissance du premier garçon : Dominique. Le 26 février 1947 : naissance d'Henri.
- Entre temps le château familial et les terres d'Escoire sont saisis est vendus à bas prix (comme toujours dans ces cas là). Dans l'appartement de Paris tout est vendu, y compris le piano qu'il a offert à Suzanne (pour chanter notamment des textes qu'il a écrits pour elle).
- 1947 à 1949 : Il part avec un type bizarre et 300 dollars en poche pour l'Amérique du Sud (le 2 mai 1947). Il y sera chauffeur de poids lourds ou de taxi.
- 1950 : à peine revenu il voit l'un de ses trois romans en cours de finition (parfois le papier lui manque), Le Salaire de la Peur, publié en 1950 par Marcel Jullian (pour Julliard). On réquisitionne toutes les rotatives pour le sortir au plus vite. Succès immédiat. Célébrité. (Mais il n'a pas de pourcentage, seulement un à
-valoir, des avances et un forfait sur l'adaptation cinématographique). En 1987 (à sa mort) l'édition dépasse les deux millions d'exemplaires.
- Divorcé de Suzanne en 1951 (la justice le recherchera à partir de cette année pour abandon de famille et non
-versement de la pension alimentaire) ; il se remarie avec Lella la même année. Parution de plusieurs ouvrages : Le Voyage du mauvais Larron, (largement autobiographique) et Schtibilem 1941, sur l'univers carcéral. Il écrira aussi cette année là beaucoup d'articles pour Les Lettres Françaises, L'Aurore, France Dimanche.
- 1952 : tournage du film de Clouzot "Le Salaire de la Peur" (avecYves Montand et Charles Vanel). Parution de Lumière de soufre. "Le Salaire de la Peur "sera présenté au Festival de Cannes 1953. Il y reçoit le Grand Prix et Charles Vanel celui de la meilleure interprétation masculine. (Mais Arnaud s'est senti trahi par Clouzot sur plusieurs points).
- 1953 : il vit avec Rolande mais ne l'épousera qu'en 1966. Parution de Les Oreilles sur le dos. Le 7 mai : "première" de la pièce Les Aveux les plus doux. Succès corrosif. En 1970 aura lieu le tournage du film réalisé par E. Molinaro (avec Noiret et Hanin). Il entreprend une enquête publiée sous le titre Prisons 53 (son interdiction de visite étant arrivée trop tard ).
- en 1954 débutent les "événements" en Algérie.
- Indiens pas morts, 1956.
- 1957 : Pour Djamila Bouhired, avec J. Vergès, contre le mauvais traitement de la prisonnière, pour sa libération.
- Maréchal P... du 28 août au 2 septembre 1958 à La Seyne dans le midi (décentralisation avant l'heure du TNP)
- fin des années 50 : problèmes de santé, en fait important surmenage.
- La plus grande Pente, un autre grand succès de Georges Arnaud. Publiée avec d'autres nouvelles en 1961. (Le projet d'adaptation en scénario sera vendu au moins trois au quatre fois à un Hollywood emballé, par avance...) Parution de Mon procès relatant son accusation de trahison par le Tribunal Militaire.
- 1962 il renoue avec ses fils et s'installe avec Rolande et leurs enfants en Algérie. (Dominique repartira sept mois plus tard). Il aide à la fondation d'une école de journalisme tout en faisant partie de l'équipe du journal Révolution Africaine.
- Naissances en decembre 1962 de Catherine, et de Laurence en novembre 1964
- 1971 atteint de tuberculose il revient souvent en France. (Il perd un poumon). Après deux mois à Chamonix, il revient à Alger, c'est pour y faire une pleurésie.
- Retour négocié de toute la famille en 1974 en France (à contre cœur).
- 1975
-1981 : son journaliste d'investigation est prisé par la télévision (Antenne 2, TF1)(sur la secte Moon, le colonel Peiper, etc).
- L'affaire Peiper : plus qu'un fait divers, parution à l'Atelier Marcel Jullian, 1978.
- 1982 : Chroniques du crime et de l'innocence.
- fin 1984 ils s'installent en Espagne.
- le 4 mars 1987 : Georges Arnaud fait un infarctus fatal.
- 1990 : parution de Juste avant l'aube, en collaboration avec Jean Anglade.