Eugène Avtsine naît le 19 juillet 1901 à Paris où ses parents, fuyant la ségrégation raciale dont ils sont victimes en Russie, se sont installés en 189I. L'ensemble de la famille obtient en 1905 la nationalité française. Après de premières années d'école à Paris au Lycée Henri IV puis, ses parents s'installant à Versailles, au Lycée Hoche, Eugène Avtsine est en 1915 à Dinard aide-infirmier volontaire puis entre à Janson-de-Sailly mais sa santé se détériore et il doit abandonner ses études. Les reprenant,il n'ira pas au bout de la Première et séjourne en 1918 et 1919 au Cannet près de Cannes. C'est là qu'il commence d'écrire et adopte le pseudonyme de Claude Aveline.

1919 voit paraître ses premiers poèmes en revues. Il fait surtout, au moment du procès de l'assassin de Jaurès, la connaissance d'Anatole France qui l'accueille dans son intimité jusqu'à sa mort en 1924 et dont il ne cessera de servir l'oeuvre et la mémoire , notamment par la célébration de son centenaire à travers le monde comme un symbole de la Libération et la réunion de ses articles politiques et sociaux (Trente ans de vie sociale, 4 volumes). En 1920 une dernière rechute conduit Claude Aveline à la montagne. A son retour à Paris il devient le secrétaire d'un érudit, fondateur de la première collection pour bibliophile modestes, faisant ainsi son apprentissage d'éditeur d'art, ayant décidé de l'être à son tour, et répond à une invitation qui lui est faite d'écrire la Merveilleuse Légende du Bouddha.

Exempté de service national il peut mettre en route les premiers volumes qui paraissent en 1922 "chez Claude Aveline éditeur" et lui vaudront d'être appelé le plus jeune éditeur du monde. En huit ans il publie une cinquantaine d'ouvrages, notamment dans sa "Collection philosophique" dix volumes de Saint-Evremond, Voltaire, Diderot, Renan, France, Remy de Gourmont, Maeterlinck, Gide, Valéry, Duhamel. Après un nouvel accident de santé en 1923, Claude Aveline séjourne quatre ans à Font-Romeu où il rencontre un jeune malade, Jean Vigo, qu'il soutiendra jusqu'à sa mort en 1934. Après celle de sa femme quelques années avant la guerre, il deviendra le tuteur de leur petite fille et fondera en 1951 le Prix Jean-Vigo dont il présidera le jury durant 25 ans.

L'accueil fait à ses premier romans amène en 1932 l'éditeur à fermer boutique au profit de ses propres ouvrages et de son goût pour la critique cinématographique. Alors qu'on attend de lui le tome II de sa Trilogie Claude Aveline écrit, passant des journées à la préfecture de police, un roman policier à la préface péremptoire (Il n'y a pas de mauvais genres, il n'y a que de mauvais écrivains), La Double Mort de Frédéric Belot qui donne au genre policier ses lettres de noblesse (Boileau-Narcejac). A partir de 1934, dans des années d'agitations politiques et sociales, il est, sans adhérer à aucun parti mais "compagnon de route" des communistes, présent au procès des mineurs d'Oviedo (1935), à la constitution des Maisons de la Culture et participe à de nombreux meetings et congrès, comme celui des Ecrivains pour la défense de la culture à Valence et Madrid en pleine guerre civile (1937), ses interventions composant plus tard le recueil des Devoirs de l'esprit (1945). Claude Aveline publie aussi un roman Le Prisonnier (1936) dont on a pu soutenir que Camus s'était inspiré pour son Etranger, puis un nouveau policier (L'ennui c'est que j'avais tué mon policier du premier coup, et même deux fois, je n'avais pas prévu qu'il aurait à reprendre du service. Heureusemnt, je ne l'avais pas fait mourir trop jeune. Par la suite, j'ai donc raconté des aventures arrivées avant 1932).

En 1939 Claude Aveline, mobilisé sur sa demande, s'attache à Versailles à Nicolas Grésy, qui deviendra son fils adoptif (disparu en 1977). Réformé défintivement, il fonde dès août 40 avec Jean Cassou et Marcel Abraham, "déchus" de leurs fonctions publiques, un petit groupe qui entre bientôt en relations avec le réseau du Musée de l'Homme , organisé par Boris Wildé et Anatole Lewitsky. Un agent français de la Gestapo va démanteler le réseau : plus de cent arrestations au cours de 1941, dix condamnations à mort et sept exécutions en 1942. En 1941 Aveline quitte Paris pour retrouver à Lyon Martin-Chauffier. Installés à Collonges-au-Mont-d'Or, leur maison deviendra l'un des principaux lieux de rencontre de cette zone. Claude Aveline participe à la fondation de Combat et s'emploie à mettre en contact des mouvements clandestins de plus en plus nombreux. L'Abonné de la ligne U, troisième des policiers, qu'il écrit alors se heutera au refus de la censure allemande et. ne paraîtra qu'après la Libération. En 1943,la France entière occupée, Aveline entre en clandestinité sous le nom de Louis-Marie Martin grâce à un livret militaire périmé, échappe par miracle en avril 1944 à une arrestation et rejoint Arras.

Claude Aveline reprend à La Libération ses activités : écrits de circonstance, manifestations franciennes, conférences à l'étranger (toute l'"A. O. F." en 1946 pour l'Alliance française, puis le Proche Orient). En 48, il est l'un des premiers "titistes" après l'excommunication stalinienne et séjourne deux ans plus tard en Yougoslavie. Les accidents de santé l'accompagnent (énuclation de l'oeil droit). Claude Aveline reçoit en 1952 le Grand Prix de la Société des Gens de Lettres pour l'ensemble de son oeuvre. Il est membre du Conseil exécutif de la Société européenne de culture, née à Venise en 1950 par Umberto Campagnolo, qui, en pleine guerre froide a pour action d'instaurer le dialogue entre les peuples. Les deux derniers tomes de sa Trilogie paraissent en 1952 et 1955. Il se tourne alors vers l'art radiophonique (Le bestiaire inattendu et C'est vrai, mais il ne faut pas le croire qui lui vaut le Prix Italia). Pendant les vingt années suivantes, il poursuit ses expériences dans tous les genres que peut proposer le micro. En 1976 la Société des Auteurs dramatiques lui décerne son Prix de la Radio. En 1957 il publie Les Mots de la fin, 750 paroles de mourants célèbres, dont 150 ont fait l'objet de chapitres lus d'abord sur les ondes par l'auteur.

A partir de 1956 Claude Aveline demande à ses amis peintres de dessiner ou peindre le Portrait de l'Oiseau-Qui-N'Existe-Pas, poème qu'il a écrit en 1950, aujourd'hui traduit en 55 langues (repris dans De). A travers ses 108 portraits par des artistes aussi différents qu'Adam, Atlan, Bertholle, Bissière, Chastel, Gischia, Prassinos, Music, Singier, Vieira da Silva ou Jacques Villon, l'ensemble constitue ,sur un seul thème autour duquel se réunissent figuratifs et surréalistes, non figuratifs et abstraits, une anthologie unique de la peinture des années 50-60. En 1963 Aveline en fait don au Musée National d'Art Moderne où elle est exposée, avant de rejoindre le Centre Pompidou qui la présente à nouveau en 1978. Près de vingt ans plus tard un second ensemble comptera 86 portraits, représentatifs des années 70-80.

En 1970 L'OEil-de-chat, dernier de ses policiers, apparaît le plus "classique" de la Suite. En un long poème Monologue pour un disparu évoque en 1973 son ami intime Jacques Lion, assassiné à Auschwitz. La même année Le Haut Mal des créateurs se veut une "méditation polémique" sur l'évolution des lettres, et des arts dans les années 60. A partir de 1974 Claude Aveline entreprend des mémoires,. Au cours d'une tournée en 1960 au Canada la traversée des Rocheuses en train lui procure une vision fantastique qui l'obsèder quinze ans avant de devenir Hoffmann Canada, une pièce radiophonique, puis en 1977 son dernier roman. En 1978 Claude Aveline constitue un fond à la bibliothèque de Versailles qui rassemblera ses ouvrages, ses manuscrits, ses livres dédicacés, sa correspondance, la dizaine de milliers de volumes de sa bibliothèque et son buste réalisé par Zadkine, dernière oeuvre du sculpteur (Je suis le dernier Zadkine, constatait-il douloureusement dans un hommage écrit après sa disparition en 1967).

Dans les années 80, alors qu'une trentaine de ses livres sont édités ou réédités, notamment les policiers dans des collections de poche, Claude Aveline termine une "biographie imaginaire", Trésors de la Connivence. La vie et l'oeuvre du Pr Lembourg, ajoute aux réflexions d'Avec toi-même et coetera les remarques De fil en aiguille aux Apprêts de l'Après, publie un ultime hommage à son maître, Anatole France Le Vivant, poursuit ses mémoires et reçoit le Prix International de la Société Européenne de Culture (1986). A partir de 1968, Aveline pratique ce que Jean Cassou nomme la "peinture au feutre" et réalise des centaines de dessins qui seront exposés dans des galeries parisiennes, à Bruxelles, Ljubljana, Zagreb ou Belgrade. Je me plais au jeu des lignes comme je me plais au jeu des mots dit-il, alors qu'il les mêle en faisant dialoguer l'image et le titre, souvent humoristique, qu'il lui donne, véritable "petit poème en soi". Une rétrospective en est présentée en 1991 au Musée Bourdelle à Paris.

Claude Aveline meurt à Paris le 4 novembre 1992.