Commentaires sur le nouveau programme
I / LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DES
NOUVEAUX PROGRAMMES DE 6° :
Les
Inspecteurs de Lettres se sont assurés de la lecture et de la
diffusion du document officiel du 28 août 2008 et ont rappelé que les
nouveaux programmes de 6° entreront en vigueur à la rentrée
prochaine.
Les
principes et objectifs du « Préambule » ont été lus et quelques
éléments soulignés comme le décloisonnement des activités,
l’interdisciplinarité, la connaissance de l’histoire des Arts,
l’articulation de l’enseignement des Lettres avec les langues et
cultures de l’Antiquité et l’importance de la culture humaniste.
Nous
invitons à notre tour nos collègues à une lecture partagée de ce
Préambule qui fixe l’esprit des programmes.
II /
LA LOGIQUE DU PROJET PÉDAGOGIQUE ANNUEL :
Si le
principe d’une liberté pédagogique de l’enseignant est réaffirmé, ce
dernier ne doit pas pour autant s’exempter d’une réflexion sur la
logique des enseignements qu’il conduit et l’organisation générale de
son projet pédagogique annuel.
A / Maintien de
l’organisation en grandes unités :
Le
principe de l’organisation du programme scolaire en grandes unités de
travail, « séquences » ou « périodes », est maintenu.
B
/ Rythme des séquences :
Afin
d’éviter les séquences fleuves (3 ou 4 séquences annuelles souvent
décidées en fonction des congés scolaires) ou impressionnistes (14 à
16), il convient de varier le rythme des séquences. Le rythme idéal
devrait se situer entre 8 et 12 séquences par an avec une alternance
entre séquences longues et séquences brèves pour assurer la dynamique
du projet et le maintien de la curiosité des élèves.
C / Place du texte et de l’œuvre
littéraire dans l’organisation des séquences :
Suite
à l’observation de séquences contestables, présentes dans certains
manuels, encore pratiquées par certains enseignants, mais peu
conformes à l’esprit des programmes, telles « Les différentes formes
de discours », « La communication », « Le mot et le dictionnaire » ou
l’étude de figures de style (la métaphore, la comparaison…) étudiées
pour elles-mêmes et non au service de l’interprétation, les
Inspecteurs de Lettres rappellent que l’outil (stylistique,
narratologique, méthodologique) ne doit jamais devenir finalité, que
le notionnel doit toujours être au service de la lecture et de
l’écriture. Par conséquent, il convient d’opter pour des séquences à
dominante littéraire, culturelle, problématique ou thématique qui
s’appuieront à l’occasion sur des outils ou des objectifs plus «
techniques ».
Une fois ce choix effectué, il
faut problématiser les séquences et faire en sorte que cette
problématisation, preuve de choix intellectuels véritables opérés par
le professeur, soit lisible dans leurs titres. Par exemple, une
séquence intitulée : « Des contes et des femmes : le vrai visage de
Margot » sera nettement préférable à une autre nommée « Le conte »
où une série de contes sera étudiée sans perspective autre qu’une
pure et simple juxtaposition.
Finalement, c’est la primauté de la richesse du texte littéraire et
l’exigence de problématiques littéraires qui sont réaffirmées loin
des dérives technicistes asséchantes parfois observées ces dernières
années.
III / LA
MISE EN ŒUVRE CONCRETE DES PRIORITES AFFICHEES PAR LA REFORME :
A / La lecture et la littérature :
1
- La littérature de jeunesse :
Le
temps n’est pas aux oppositions ou aux exclusives. Une
complémentarité est à instaurer entre la littérature de « jeunesse »
et celle dite « classique » ou patrimoniale. Cependant, le choix de
certaines œuvres de littérature de jeunesse implique de sélectionner
des textes à qualité littéraire, ayant une pluralité de sens, bref
des œuvres riches et plurielles, à contenu culturel ou littéraire de
haute qualité.
Dans
les deux cas, il est recommandé de veiller aux éditions choisies, à
leurs qualités littéraires, à la qualité des traductions éventuelles
; on n’hésitera pas, dans le cas d’œuvres abrégées, à confronter les
élèves à d’autres extraits du texte intégral, ou à des extraits des
œuvres « sources » des littératures étrangère, latine et grecque, en
traduction, voire en langue originale.
2 -
La constitution d’une bibliothèque personnelle sur les quatre niveaux
de collège :
Au-delà du principe de la gratuité
de l’enseignement public, le professeur peut et doit faire acquérir
au moins trois livres par an à ses élèves, afin qu’ils se constituent
progressivement une bibliothèque personnelle. Il est important de
posséder ses livres, de dialoguer avec des oeuvres neuves que l’on
peut consulter à loisir et conserver après l’année scolaire. Si la
construction de la bibliothèque, véritable ossature morale et
humaine, n’a pas lieu à l’école et au plus tôt, où pourra-t-elle
prendre source ? Grâce au livre, le professeur apporte la culture
dans les familles.
Dans le cas où les chefs
d’établissements se montreraient réticents, il ne faut pas hésiter à
prendre le temps de dialoguer avec eux, à leur faire prendre
conscience que le professeur est un pédagogue et un intellectuel qui
a besoin, pour pratiquer sa discipline, d’outils spécifiques et que
les élèves ont besoin de posséder des livres ; il peut également être
utile d’avertir dès le début de l’année ou dans la liste des
fournitures donnée en fin d’année scolaire, qu’il faudra prévoir
l’achat de livres (pour un budget pouvant atteindre une dizaine
d’euros).
3 - Une
bonne pratique de la lecture analytique :
La lecture
analytique est le moment-clé de l’enseignement des Lettres.
Elle
s’appuie, tout d’abord, sur la prise en compte des réactions
initiales des élèves et de leurs hypothèses de lecture (1), sur
l’articulation des activités orales et écrites au sein de la séance
(2) pour faire émerger progressivement les enjeux culturels,
littéraires, voire sociologiques d’un texte (3).
On
préconise le déroulement suivant :
a
- Le choix de l’entrée :
Mieux
vaut veiller à la clarté du vocabulaire par un travail lexical
préalable que donner une liste de questions en amont que l’on passera
l’heure à corriger. Le travail préparatoire demandé par le
professeur, nécessairement (dé)limité, doit être éclairant et
permettre, sans être exhaustif, une entrée efficace dans le texte
abordé ultérieurement.
b
- Faire entrer l’oral et l’écrit dans des synergies fructueuses :
Un bon
principe d’alternance : écrire ce qu’on a dit ; parler à partir de ce
qu’on a écrit.
Ø
Lecture du texte
Ø
Phase d’oral et d’échange
professeur/élèves : réception des réactions, impressions, suggestions
des élèves et questions du professeur à ces derniers, ceci, durant
quelques minutes au moins
Ø
Phase d’écrit : permet de faire
participer les plus timides qui ont ainsi le temps de réfléchir
Ø
Phase d’oral et de synthèse
écrite.
Veiller à
ce qu’il y ait toujours deux lectures du texte au moins : une lecture
liminaire exhaustive, de préférence assumée par le professeur, puis
une lecture de reprise qui pourra être effectuée par les élèves,
relecture totale ou partielle du texte, selon le temps et les
objectifs recherchés.
La pratique de l’oral doit être
réfléchie : il s’agit de créer de vrais moments où l’élève parle (en
début, milieu et fin de séance), de développer des compétences
véritables (formuler oralement des phrases entières) et de parler en
interaction avec autrui. L’organisation de la salle pourra être
repensée dans cette perspective.
Durant
toutes ces phases, la construction progressive du sens ne doit pas
faire l’économie d’un moment liminaire de restitution explicite,
assimilable à de la paraphrase, et qui permet d’éclaircir le sens
littéral (souvent inaccessible à certains élèves) afin d’avancer sans
encombres vers le sens implicite du texte.
B / La maîtrise de la langue :
1 - La grammaire
:
L’enseignement de la grammaire, qui permet la maîtrise (et la
justesse) de l’expression orale et écrite, est effectué dans une
terminologie recevable, écrite pour les élèves et pour les parents.
On évitera ainsi tout jargon pédant ou techniciste.
La
leçon de grammaire est utile et nécessaire ; l’on tentera de la
relier autant que possible à l’objet d’étude de la séquence. Le
professeur veille à montrer l’interaction entre le sens du texte et
les effets de langue, à lier l’étude de la langue et le sens du
texte, la lecture et l’écriture.
En 4°
et 3°, l’étude de la grammaire de discours vient compléter celle de
la grammaire de phrase afin de montrer que le français est une langue
vivante modélisée par des situations d’énonciation particulières.
2 -
Le lexique et l’orthographe :
La
recherche lexicale est systématique. Il ne faut pas craindre la
paraphrase au début d’une lecture analytique et s’assurer que le
vocabulaire a été bien compris. L’utilisation du dictionnaire doit
être la plus fréquente possible.
C / La pratique de l’écrit :
1 - La périodicité des écrits «
Nulla dies sine linea » (Pline l’Ancien) :
Il faut
absolument veiller à la fréquence des activités d’écriture. Pour
cela, il convient de multiplier les pratiques d’écriture, développer
les évaluations formatives, les rédactions liminaires, les activités
d’écriture courte, ceci, au début, au milieu et à la fin de la
séquence. Rien n’est moins efficace, ni plus anxiogène pour l’élève
que d’attendre le verdict ultime de l’évaluation finale pour faire le
bilan de ses acquis sur l’œuvre. Il faut donc lui donner l’occasion
de s’exercer en amont au cours de travaux écrits qui ne seront pas
forcément notés mais lui donneront l’occasion d’une expérience. Le
travail écrit en classe doit donc être développé à côté du travail
personnel.
2 -
La variété des écrits :
Les
activités d’écriture doivent être multiples, de la plus simple à la
plus complexe : copier un texte sans erreurs, écrire un texte dicté,
rédiger un texte bref, rédiger un texte long cohérent de deux ou
trois paragraphes, produire des écrits qui rendent compte d’une
activité, écrits personnels (importance accordée au carnet culturel,
mémoire vivante de la culture en formation de l’élève)…
3 -
L’écrit dans une logique de processus :
L’écrit
doit être situé dans un processus de perfectionnement pour en motiver
le soin, et la qualité. Ainsi l’usage du cahier de brouillon est à
réévaluer positivement. Il permet de faire comprendre à l’élève que
l’écriture est un travail difficile et exigeant, de donner envie d’un
travail soigné et véritablement achevé. Pour conduire à cette
attention sur la correction de la langue et la propreté, il ne faut
pas hésiter à multiplier les situations d’écrit et les destinataires
(écriture pour soi, écriture pour autrui…).
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