Théâtre : Merci Patron ! Salle des fêtes de BERGBIETEN Vendredi 5 et samedi 6 novembre à 20H30 - Dimanche 7 novembre 17H00



Corrigé de la rédaction du brevet 2008 : (sujet - corrigé 1 - corrigé 2)

Le texte :

     Une après-midi, à la récréation de quatre heures, le grand Michu me prit à part, dans un coin de la cour. Il avait un air grave qui me frappa d'une certaine crainte; car le grand Michu était un gaillard, aux poings énormes, que, pour rien au monde, je n'aurais voulu avoir pour ennemi.
     - Écoute, me dit-il de sa voix grasse de paysan à peine dégrossi, écoute, veux-tu en être ?
     Je répondis carrément: «Oui!» flatté d'être de quelque chose avec le grand Michu. Alors, il m'expliqua qu'il s'agissait d'un complot. Les confidences qu'il me fit me causèrent une sensation délicieuse, que je n'ai jamais peut-être éprouvée depuis. Enfin, j'entrais dans les folles aventures de la vie, j'allais avoir un secret à garder, une bataille à livrer. Et, certes, l'effroi inavoué que je ressentais à l'idée de me compromettre de la sorte comptait pour une bonne moitié dans les joies cuisantes de mon nouveau rôle de complice.
     Aussi, pendant que le grand Michu parlait, étais-je en admiration devant lui. Il m'initia d'un ton un peu rude, comme un conscrit dans l'énergie duquel on a une médiocre confiance. Cependant, le frémissement d'aise, l'air d'extase enthousiaste que je devais avoir en l'écoutant, finirent par lui donner une meilleure opinion de moi.
     Comme la cloche sonnait le second coup, en allant tous deux prendre nos rangs pour rentrer à l'étude :
     - C'est entendu, n'est-ce pas? me dit-il à voix basse. Tu es des nôtres... Tu n'auras pas peur, au moins ; tu ne trahiras pas ?
     - Oh ! non, tu verras... C'est juré.
     Il me regarda de ses yeux gris, bien en face, avec une vraie dignité d'homme mûr, et me dit encore :
     - Autrement, tu sais, je ne te battrai pas, mais je dirai partout que tu es un traître, et personne ne te parlera plus.
     Je me souviens encore du singulier effet que me produisit cette menace. Elle me donna un courage énorme. « Bast ! me disais-je, ils peuvent bien me donner deux mille vers ; du diable si je trahis Michu ! » J'attendis avec une impatience fébrile l'heure du dîner. La révolte devait éclater au réfectoire.

Emile Zola, Le Grand Michu (1874) - Nouvelle extraite des Nouveaux Contes à Ninon

Sujet : La révolte a lieu. Le narrateur est puni. Il écrit à sa mère pour raconter les faits et justifier sa participation au complot.
Rédigez cette lettre, qui comportera une partie narrative et développera les arguments avancés par le narrateur pour expliquer son adhésion au projet de Michu.

Critères de réussite : respect des codes de la lettre, respect de la situation d’énonciation, cohérence par rapport au texte de départ, utilisation des discours narratif et argumentatif (présence de plusieurs arguments), Correction de la langue (respect de la construction des phrases, précision du vocabulaire, respect de l’orthographe).

Voilà deux corrigés différents :


Cours Saint-Louis de Monceau, 23 septembre. 

Ma chère mère,

     Le pensionnat t’a sans doute informé de la sanction qui me frappe : je ne reviendrai pas à la maison avant le 5 du mois prochain.

      Pauvre maman, tu as dû en être bien étonnée car tu sais que l’opinion qu’on a de moi est ce qui compte le plus à mes yeux, que ne je ne hais rien plus que le désordre et l’insubordination. Et pourtant, sache que mes convictions sont intactes. Mon apparente déchéance cache en réalité une gloire nouvelle que je savoure avec intensité. Mais avant d’aller plus loin, et pour que tu puisses te faire une idée claire des circonstances qui ont guidé mes choix, il me faut te faire le récit complet des événements qui m’ont mené là où je suis. 

     Pour cela je dois remonter au mois de septembre, à mon arrivée au pensionnat. Je n’avais alors aucun ami et ma petite taille, mon allure chétive aussi bien que ma nervosité ne plaidaient pas en ma faveur. Je supportai cette situation les premières semaines car d’autres se trouvaient dans la même solitude et j’avais encore l’espoir de m’intégrer. Très vite, cependant, les groupes se formèrent et je ne faisais partie d’aucun. Les plus déshérités eux-mêmes avaient formé un clan - mieux vaut être mal accompagné qu’être seul pour traverser le désert de l’adolescence – et je fis tous mes efforts pour en être accepté. Espérant m’attirer la bonne grâce de mes semblables, je m’étais porté volontaire pour être chef de table à la cantine, rôle sans prestige qu’on me confia sans peine et qui me donnait l’occasion de servir ma tablée. En quête d’estime, j’effectuais cette tâche la main tremblante, avec une équité scrupuleuse, me servant toujours en dernier et offrant une bonne partie de ma part à mes camarades. Hélas ces sacrifices furent sans effet. Nul ne me parlait, nul ne me considérait. Au contraire ma maniaquerie nerveuse m’attira des railleries. Les « gueux » me surnommèrent le « nain hystérique ». Même les plus misérables me rejetaient : les laids, les sans-grade, les faibles – je les hais encore à présent - ne voulaient pas non plus de moi. Je me morfondais dans la peine et, le temps passant, cette peine tourna en rancœur et en jalousie.

      Car j’enviais les forts, et particulièrement le grand Michu, chef charismatique de la bande des plus grands, leader des leaders. Il avait sur tous un pouvoir invisible mais bien réel. Il pouvait d’une parole faire lever ou asseoir, faire aimer ou lyncher, donner et reprendre. Je voulais être Michu, rien d’autre désormais n’occupait mon esprit que cet objectif là : être respecté de tous, devenir le chef. Il me fallait pour cela m’approcher de lui. Il m’en offrit lui-même l’occasion.

     Depuis déjà quelques jours le mécontentement grognait à la cantine, le cuisinier était dépressif et sa cuisine s’en ressentait. Les plats se dégradaient au fil du temps, le poisson n’était pas frais, les viandes franchement suspectes, les sauces trop aigres ou trop salées. Michu décida que nous devions collectivement manifester notre insatisfaction. En ma qualité de chef de table, il avait besoin de moi, il vint donc me trouver pour m’exposer son plan. Flatté d’être dans la confidence d’un caïd comme lui, je lui promis d’être à la hauteur de la tâche qu’il me confiait : renverser les plats dans l’allée centrale, au signal qu’il donnerait, en même temps que les autres responsables de tablée. Bien peu de chose en somme, mais, tu t’en doutes bien, beaucoup pour moi qui déteste tant la saleté et le chahut. Qu’importe, la fin justifie les moyens et j’avais moi aussi un plan secret.

      Le jour venu, sitôt le poisson servi et sans attendre le signal, je me levai et jetai dans un geste théâtral le plat de morue à la sauce rouille prévu pour ma tablée. Dans la confusion, les autres chefs de table suivirent mon geste, croyant avoir manqué le signal de Michu. Vingt-cinq plats vinrent ainsi maculer le carrelage du réfectoire d’un brouet orange et nauséabond. Apparaissant aux yeux de tous comme l'initiateur de la conspiration, j’entamai alors la Marseillaise du plus fort que je pouvais et, bien que ce ne fut pas prévu par le plan de Michu, tous mes camarades, du premier au dernier, se levèrent pour chanter. Ce fut un joyeux désordre qui dura plusieurs minutes et même après l’arrivée des surveillants. Il fallut l’intervention du proviseur en personne et d’une escouade de professeurs pour les faire taire tout à fait. Rassure-toi, chère maman, pour ma part, aux yeux de nos maîtres, je ne suis en rien dans cet éclat : par prudence je m’étais rassis bien avant leur intervention. 

     Ce matin, quand on nous a interrogés un par un dans la plus grande confidentialité, je n’ai pas manqué de dénoncer Michu, la tête pensante de ce complot, l’homme à abattre. Ma crédibilité étant intacte auprès du proviseur qui ne me connaît que comme un élève respectueux des règles, Michu a été renvoyé chez son père, définitivement. Pour ma part, me voilà puni avec tous les autres pour ne pas avoir empêché ce complot. Aussi, étant consigné avec mes camarades, ne te verrai-je pas ce dimanche, ma tendre maman, mais ne t’en chagrine pas trop car cette sanction c’est le destin qui appelle ton fils !

      Cette nuit, à la lueur des bougies, quand le dernier surveillant aura rejoint sa chambre, je ferai un discours éloquent pour honorer le sacrifice de Michu, j’évoquerai notre glorieux combat, je féliciterai les forts et je flatterai les anciens. Puis, dans le silence du grand dortoir, je deviendrai le nouveau chef. Dès lors j’aurai tous les moyens de me venger de ces faibles qui me raillaient.

Ton fils respecté, 

Nicolas.


     Internat de Nanterre Le 2 octobre 1852
     Salle d'étude

Ma chère maman chérie,

     Je t'écris depuis l'étude où je travaille depuis déjà deux heures. Il faut que je te l'avoue : j'ai été puni... Non, ma petite maman, ne t'énerve pas contre moi, ne pleure pas, ne t'en fais pas, ce n'est pas bien grave ! Je n'ai plus qu'à recopier cinquante-quatre fois : "Je ne dois pas lancer de petits pois au réfectoire avec ma petite cuillère", et je serai libre de quitter l'étude !

     Maintenant, laisse-moi te raconter comment ça c'est passé. Quand Michu s'est présenté devant moi, qu'il m'a conduit dans un coin de la cour pour me demander si je souhaitais participer, je n'ai pas pu refuser. Tu sais, Michu, il est très costaud, ses poings sont énormes, il est très grand, c'est un véritable gaillard... Il est beaucoup plus fort que moi tu sais. Non pas qu'il m'aurait battu mais il m'aurait traité de traître et plus personne ne m'aurait plus parlé à l'école.

     J'avais vraiment envie de participer, c'est un privilège, tu sais, de faire partie de la bande à Michu. Tu ne peux pas savoir ce que j'ai ressenti lorsqu'il m'a dit : "Tu es des nôtres." D'un seul coup, je me suis senti intégré dans une vraie fratrie. Je me suis senti enfin un homme.

     Nous n'avons pas fait beaucoup de dégâts, et puis c'était trop rigolo ! Tu aurais dû voir le sol de la cantine jonché de petits pois et d'épluchures de bananes ! C'était fantastique ! Toute la bande s'y est mise en même temps, un vrai raffut.

     En plus, on a déjà tout remis en ordre : après les cours hier, nous avons dû retourner au réfectoire pour tout laver. Le carrelage n'a jamais autant brillé !
     Tu sais maman, je fais maintenant partie de la bande à Michu, je suis un homme, je ne suis plus un petit garçon. J'ai déjà été bien puni alors attends-moi avec un grand sourire !

     Je t'embrasse de tout mon cœur,

Ton fils,
Gaspard