Corrigé
de la rédaction du brevet 2008 : (sujet - corrigé 1 - corrigé 2)
Le texte :
Une après-midi,
à la récréation de quatre heures, le grand
Michu me prit à part, dans un coin de la cour.
Il avait un air grave qui me frappa d'une
certaine crainte; car le grand Michu était un
gaillard, aux poings énormes, que, pour rien au
monde, je n'aurais voulu avoir pour ennemi.
- Écoute, me dit-il de
sa voix grasse de paysan à peine dégrossi,
écoute, veux-tu en être ?
Je répondis carrément:
«Oui!» flatté d'être de quelque chose avec le
grand Michu. Alors, il m'expliqua qu'il
s'agissait d'un complot. Les confidences qu'il me
fit me causèrent une sensation délicieuse, que
je n'ai jamais peut-être éprouvée depuis.
Enfin, j'entrais dans les folles aventures de la
vie, j'allais avoir un secret à garder, une
bataille à livrer. Et, certes, l'effroi inavoué
que je ressentais à l'idée de me compromettre
de la sorte comptait pour une bonne moitié dans
les joies cuisantes de mon nouveau rôle de
complice.
Aussi, pendant que le
grand Michu parlait, étais-je en admiration
devant lui. Il m'initia d'un ton un peu rude,
comme un conscrit dans l'énergie duquel on a une
médiocre confiance. Cependant, le frémissement
d'aise, l'air d'extase enthousiaste que je devais
avoir en l'écoutant, finirent par lui donner une
meilleure opinion de moi.
Comme la cloche sonnait
le second coup, en allant tous deux prendre nos
rangs pour rentrer à l'étude :
- C'est entendu,
n'est-ce pas? me dit-il à voix basse. Tu es des
nôtres... Tu n'auras pas peur, au moins ; tu ne
trahiras pas ?
- Oh ! non, tu verras...
C'est juré.
Il me regarda de ses
yeux gris, bien en face, avec une vraie dignité
d'homme mûr, et me dit encore :
- Autrement, tu sais, je
ne te battrai pas, mais je dirai partout que tu
es un traître, et personne ne te parlera plus.
Je me souviens encore du
singulier effet que me produisit cette menace.
Elle me donna un courage énorme. « Bast ! me
disais-je, ils peuvent bien me donner deux mille
vers ; du diable si je trahis Michu ! »
J'attendis avec une impatience fébrile l'heure
du dîner. La révolte devait éclater au
réfectoire.
Emile Zola, Le
Grand Michu (1874) - Nouvelle extraite
des Nouveaux Contes à Ninon
Sujet : La
révolte a lieu. Le narrateur est puni. Il écrit
à sa mère pour raconter les faits et justifier
sa participation au complot.
Rédigez cette lettre, qui comportera une partie
narrative et développera les arguments avancés
par le narrateur pour expliquer son adhésion au
projet de Michu.
Critères de réussite : respect des codes
de la lettre, respect de la situation
dénonciation, cohérence par rapport au
texte de départ, utilisation des discours
narratif et argumentatif (présence de plusieurs
arguments), Correction de la langue (respect de
la construction des phrases, précision du
vocabulaire, respect de lorthographe).
Voilà deux corrigés différents :
Cours
Saint-Louis de Monceau, 23 septembre.
Ma chère mère,
Le
pensionnat ta sans doute informé de la
sanction qui me frappe : je ne reviendrai
pas à la maison avant le 5 du mois prochain.
Pauvre maman, tu as dû en être bien étonnée
car tu sais que lopinion quon a de
moi est ce qui compte le plus à mes yeux, que ne
je ne hais rien plus que le désordre et
linsubordination. Et pourtant, sache que
mes convictions sont intactes. Mon apparente
déchéance cache en réalité une gloire
nouvelle que je savoure avec intensité. Mais
avant daller plus loin, et pour que tu
puisses te faire une idée claire des
circonstances qui ont guidé mes choix, il me
faut te faire le récit complet des événements
qui mont mené là où je suis.
Pour
cela je dois remonter au mois de septembre, à
mon arrivée au pensionnat. Je navais alors
aucun ami et ma petite taille, mon allure
chétive aussi bien que ma nervosité ne
plaidaient pas en ma faveur. Je supportai cette
situation les premières semaines car
dautres se trouvaient dans la même
solitude et javais encore lespoir de
mintégrer. Très vite, cependant, les
groupes se formèrent et je ne faisais partie
daucun. Les plus déshérités eux-mêmes
avaient formé un clan - mieux vaut être mal
accompagné quêtre seul pour traverser le
désert de ladolescence et je fis
tous mes efforts pour en être accepté.
Espérant mattirer la bonne grâce de mes
semblables, je métais porté volontaire
pour être chef de table à la cantine, rôle
sans prestige quon me confia sans peine et
qui me donnait loccasion de servir ma
tablée. En quête destime,
jeffectuais cette tâche la main
tremblante, avec une équité scrupuleuse, me
servant toujours en dernier et offrant une bonne
partie de ma part à mes camarades. Hélas ces
sacrifices furent sans effet. Nul ne me parlait,
nul ne me considérait. Au contraire ma
maniaquerie nerveuse mattira des
railleries. Les « gueux » me
surnommèrent le « nain
hystérique ». Même les plus misérables
me rejetaient : les laids, les sans-grade,
les faibles je les hais encore à présent
- ne voulaient pas non plus de moi. Je me
morfondais dans la peine et, le temps passant,
cette peine tourna en rancur et en
jalousie.
Car jenviais les forts, et
particulièrement le grand Michu, chef
charismatique de la bande des plus grands, leader
des leaders. Il avait sur tous un pouvoir
invisible mais bien réel. Il pouvait dune
parole faire lever ou asseoir, faire aimer ou
lyncher, donner et reprendre. Je voulais être
Michu, rien dautre désormais
noccupait mon esprit que cet objectif
là : être respecté de tous, devenir le
chef. Il me fallait pour cela mapprocher de
lui. Il men offrit lui-même
loccasion.
Depuis déjà quelques jours le mécontentement
grognait à la cantine, le cuisinier était
dépressif et sa cuisine sen ressentait.
Les plats se dégradaient au fil du temps, le
poisson nétait pas frais, les viandes
franchement suspectes, les sauces trop aigres ou
trop salées. Michu décida que nous devions
collectivement manifester notre insatisfaction.
En ma qualité de chef de table, il avait besoin
de moi, il vint donc me trouver pour
mexposer son plan. Flatté dêtre
dans la confidence dun caïd comme lui, je
lui promis dêtre à la hauteur de la
tâche quil me confiait : renverser
les plats dans lallée centrale, au signal
quil donnerait, en même temps que les
autres responsables de tablée. Bien peu de chose
en somme, mais, tu ten doutes bien,
beaucoup pour moi qui déteste tant la saleté et
le chahut. Quimporte, la fin justifie les
moyens et javais moi aussi un plan secret.
Le jour venu, sitôt le poisson servi et sans
attendre le signal, je me levai et jetai dans un
geste théâtral le plat de morue à la sauce
rouille prévu pour ma tablée. Dans la
confusion, les autres chefs de table suivirent
mon geste, croyant avoir manqué le signal de
Michu. Vingt-cinq plats vinrent ainsi maculer le
carrelage du réfectoire dun brouet orange
et nauséabond. Apparaissant aux yeux de tous
comme l'initiateur de la conspiration,
jentamai alors la Marseillaise du plus fort
que je pouvais et, bien que ce ne fut pas prévu
par le plan de Michu, tous mes camarades, du
premier au dernier, se levèrent pour chanter. Ce
fut un joyeux désordre qui dura plusieurs
minutes et même après larrivée des
surveillants. Il fallut lintervention du
proviseur en personne et dune escouade de
professeurs pour les faire taire tout à fait.
Rassure-toi, chère maman, pour ma part, aux yeux
de nos maîtres, je ne suis en rien dans cet
éclat : par prudence je métais
rassis bien avant leur intervention.
Ce
matin, quand on nous a interrogés un par un dans
la plus grande confidentialité, je nai pas
manqué de dénoncer Michu, la tête pensante de
ce complot, lhomme à abattre. Ma
crédibilité étant intacte auprès du proviseur
qui ne me connaît que comme un élève
respectueux des règles, Michu a été renvoyé
chez son père, définitivement. Pour ma part, me
voilà puni avec tous les autres pour ne pas
avoir empêché ce complot. Aussi, étant
consigné avec mes camarades, ne te verrai-je pas
ce dimanche, ma tendre maman, mais ne ten
chagrine pas trop car cette sanction cest
le destin qui appelle ton fils !
Cette nuit, à la lueur des bougies, quand le
dernier surveillant aura rejoint sa chambre, je
ferai un discours éloquent pour honorer le
sacrifice de Michu, jévoquerai notre
glorieux combat, je féliciterai les forts et je
flatterai les anciens. Puis, dans le silence du
grand dortoir, je deviendrai le nouveau chef.
Dès lors jaurai tous les moyens de me
venger de ces faibles qui me raillaient.
Ton fils respecté,
Nicolas.
Internat de Nanterre Le 2
octobre 1852
Salle d'étude
Ma
chère maman chérie,
Je t'écris depuis l'étude où je travaille
depuis déjà deux heures. Il faut que je te
l'avoue : j'ai été puni... Non, ma petite
maman, ne t'énerve pas contre moi, ne pleure
pas, ne t'en fais pas, ce n'est pas bien grave !
Je n'ai plus qu'à recopier cinquante-quatre fois
: "Je ne dois pas lancer de petits pois au
réfectoire avec ma petite cuillère", et je
serai libre de quitter l'étude !
Maintenant, laisse-moi te raconter comment ça
c'est passé. Quand Michu s'est présenté devant
moi, qu'il m'a conduit dans un coin de la cour
pour me demander si je souhaitais participer, je
n'ai pas pu refuser. Tu sais, Michu, il est très
costaud, ses poings sont énormes, il est très
grand, c'est un véritable gaillard... Il est
beaucoup plus fort que moi tu sais. Non pas qu'il
m'aurait battu mais il m'aurait traité de
traître et plus personne ne m'aurait plus parlé
à l'école.
J'avais vraiment envie de participer, c'est un
privilège, tu sais, de faire partie de la bande
à Michu. Tu ne peux pas savoir ce que j'ai
ressenti lorsqu'il m'a dit : "Tu es des
nôtres." D'un seul coup, je me suis senti
intégré dans une vraie fratrie. Je me suis
senti enfin un homme.
Nous n'avons pas fait beaucoup de dégâts, et
puis c'était trop rigolo ! Tu aurais dû voir le
sol de la cantine jonché de petits pois et
d'épluchures de bananes ! C'était fantastique !
Toute la bande s'y est mise en même temps, un
vrai raffut.
En plus, on a déjà tout remis en ordre : après
les cours hier, nous avons dû retourner au
réfectoire pour tout laver. Le carrelage n'a
jamais autant brillé !
Tu sais maman, je fais
maintenant partie de la bande à Michu, je suis
un homme, je ne suis plus un petit garçon. J'ai
déjà été bien puni alors attends-moi avec un
grand sourire !
Je t'embrasse de tout mon cur,
Ton
fils,
Gaspard
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